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CONTES

ce ciel pensif et tourmenté, ces routes solitaires, ce peuple maigre et taciturne ne formaient qu’une seule âme forte et mélancolique ; et Rovère se prit à aimer cette âme.

C’était ici une vie âpre, nue et grande. Comme les plantes tenaces qui s’accrochaient au granit, les sentiments de ces hommes plongeaient profondément en eux ; de plus, l’éternelle soif du soleil, qui mène toute créature dans le monde, avait, chez eux, dans le dénûment d’une nature déshéritée, pris une énergie tout intérieure et concentrée, pour rejaillir sous les formes passionnées du rêve religieux, et c’était un soleil plus beau encore que l’autre qu’ils voyaient se lever au fond de leurs cœurs sur les eaux éblouissantes de la Sainte-Eucharistie. La Foi avait grandi sur leur sol ingrat comme un chêne géant, qui couvrait des siècles de son ombre et baignait son âme toujours verdoyante dans les brises du paradis. En outre, le voisinage constant du malheur avait surtendu leur sensibilité ;