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ŒUVRES DE ALBERT SAMAIN


Muets, ils s’avançaient, songeant aux clairs matins
Où, sans honte, vêtus d’innocence première,
Ils allaient devant Dieu, purs comme la lumière,
Un voile d’or posé sur leurs yeux enfantins.



Parfois, reprise encor de quelque espoir étrange,
Ève tournait la tête et frissonnait de voir,
Plus terrible déjà dans les ombres du soir,
Briller, là-bas, l’épée ardente de l’archange.



Le soleil moribond, dans un suprême effort,
Illuminant le ciel de clartés effrayantes,
Éclaira jusqu’au fond leurs prunelles béantes…
Et la nuit descendit sur eux comme la mort.



Alors leur âme en deuil fut deux fois solitaire ;
Et s’étreignant d’un morne et funèbre baiser,
Ils sentirent leurs cœurs d’argile se briser,
Et dans leurs yeux monter l’eau triste de la terre.