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ŒUVRES DE ALBERT SAMAIN

Ta robe de Bohême onduleuse et lamée
Où l’or parmi la soie allume maint éclair,
Ta robe, fourreau mince et tiède de ta chair,
Dont le seul souvenir, effleurant ma narine,
Fait couler un ruisseau d’amour dans ma poitrine.


Je suis seul. Le silence emplit les quais, déserts.
L’âme en fleurs du printemps s’exhale dans les airs.
C’est une tiède nuit d’amant ou de poète,
Et j’ai l’amour à l’âme et l’amour à la tête,
Et j’ai soif de tes yeux pour me mettre à genoux !


Ce sont des mots sans suite, et des gestes si doux
Qu’ils semblent avoir peur de toucher, des mains jointes,
Des désirs par instant aigus comme des pointes,
Et puis des nerfs crispés de la nuque au talon,
Toute l’âme perdue après son violon
Qui chante et qui sanglote et qui crie et qui râle,
Toute l’âme d’un grand enfant fiévreux et pâle…