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AU JARDIN DE L’INFANTE


Les plus hauts d’entre nous, vaguant par les ténèbres,
Artisans raffinés de leur propre tourment,
Ont taillé leur souffrance ainsi qu’un diamant,
Pour lui faire jeter des éclats plus funèbres.



Et le cœur dit : « Je suis l’ivrogne furibond.
Certes, la Joie est bonne, et luit couleur de gloire ;
Mais quand c’est la Douleur même qui verse à boire,
Le verre qu’elle tend nous semble si profond.



« J’ai soif... À moi le vin des artères brûlantes.
L’amour terrible et doux, l’espoir vermeil des forts ;
L’ennui brûle, j’ai soif... Ah ! versez à pleins bords
Le sang jailli des grandes âmes ruisselantes !



« L’Orgueil coiffe nos fronts d’un casque triomphant ;
Mais je sens des fraîcheurs de torrents et d’eaux vives,
Et d’immenses forêts profondes et plaintives,
Quand la pitié me touche avec sa main d’enfant.