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l’opprobre, la scélératesse, rien ne leur coûte pour envahir les magistratures ; tout ce qui leur convient, ils le dérobent ou le ravissent. En un mot, comme dans une ville livrée au pillage, ils n’ont de lois que la licence de leurs désirs effrénés. Mon indignation serait moins vive s’ils disposaient à leur gré, au sein de la tyrannie, des fruits d’une victoire remportée par la valeur : mais la domination qu’exercent si insolemment ces hommes si lâches, qui n’ont de vigueur et de courage que dans leurs vains discours, ils la tiennent uniquement du hasard et de notre négligence.

Eh ! quelle sédition ou quelle dissension civile a jamais exterminé tant et de si illustres familles ? Quels hommes se sont jamais montrés si cruels et si immodérés dans la victoire ? L. Sylla, vainqueur, pouvait tout se permettre, par le droit de la guerre : il savait que le supplice de ses ennemis affermirait sa puissance. Cependant, après la mort d’un petit nombre d’hommes, il aima mieux contenir le reste par ses bienfaits que par la terreur. Mais de nos jours, grands dieux, n’avons-nous pas vu, avec Carbon, L. Domitius et tous ceux de leur parti, quarante sénateurs et une foule de jeunes gens, espoir de la patrie, égorgés comme autant de victimes ! Et cependant les plus exécrables des mortels n’ont pu être rassasiés par le sang de tant de citoyens infortunés ; ni les enfants rendus orphelins, ni les parents désolés au terme de leur vie, ni les gémissements des hommes, ni les lamentations des femmes, rien n’a fléchi leurs cœurs farouches, rien n’a tempéré la malfaisance de