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Plein des idées que m’a fournies cette étude, j’ai résolu, César, de hasarder tout pour augmenter ta gloire, et de sacrifier au soin de ton élévation toutes les considérations personnelles d’amour-propre et de réputation. Ce n’est point légèrement, ou ébloui par l’éclat de ta fortune, que j’ai conçu ce dessein ; c’est en te voyant, dans les revers, montrer constamment une âme plus grande que dans les succès. De toutes les qualités que tu possèdes, celle-là est la plus éminente à mes yeux. D’autres pourtant sont frappés davantage de voir les hommes se lasser de louer et d’admirer ta magnanimité, plutôt que toi de faire des actions glorieuses.

Rien de si profond, je le sais, ne peut être imaginé, qu’un instant de réflexion ne te présente. Aussi, en t’écrivant ce que je crois le plus avantageux à notre patrie, je n’agis point par une estime exagérée de mes idées et de mon esprit : mais, au milieu des travaux de la guerre et du commandement, au milieu des combats et des victoires, j’ai voulu te rappeler le soin des affaires de la cité. Si tu ne cherchais que les moyens de rendre impuissantes les attaques de tes ennemis, et de conserver la faveur du peuple, que veut te ravir un consul animé contre toi[1] : ces vues étroites seraient peu dignes de ta grande âme. Si , au contraire, tu suis encore ce génie qui, dès tes premiers pas, confondit la faction des nobles, et, du sein

  1. Lentulus et Marcellus, consuls de l’année à laquelle je rapporte la date de cette épitre, étaient tous deux ennemis de César, et par leur violence ne contribuèrent pas peu à précipiter la guerre civile, et à donner une apparence de justice aux plaintes de l’agresseur.