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promettriez pas sans blesser l’honneur ou nuire à vos intérêts, par exemple, de plaider contre un ami ? Sachez refuser avec aménité, en vous excusant sur les devoirs de l’amitié ; témoignez que ce refus vous coûte ; assurez que, dans toute autre occasion, vous vous en dédommagerez. Un homme qui avait présenté sa cause à divers orateurs, disait devant moi qu’il avait été plus agréablement refusé par l’un qu’accepté par l’autre. Ainsi l’on est plus sensible aux paroles et aux manières, qu’au service même et à la réalité. Il est possible encore de vous persuader sur ce point ; mais il reste un précepte plus difficile à faire adopter à un platonicien tel que vous ; je dois pourtant ce conseil à votre position : l’homme que vous refusez de servir, parce que vos liaisons avec ses adversaires s’y opposent, peut vous quitter sans ressentiment et sans humeur ; si, au contraire, vous lui dites seulement, pour excuser votre refus, que vous êtes occupé tout entier des affaires de vos amis ou de causes plus importantes antérieurement entreprises, il se retire à coup sûr votre ennemi ; tels sont les hommes ; tous aiment mieux un mensonge qu’un refus. C. Cotta, cet homme consommé dans l’art de la brigue (35), disait qu’il promettait à tout le monde, tant qu’on ne lui demandait rien de contraire à son devoir, et qu’il s’acquittait envers ceux dont la reconnaissance lui semblait la plus avantageuse. « Si je ne refuse personne, ajoutait-il, c’est qu’il arrive souvent que celui qui a reçu ma promesse n’en réclame point l’exécution ; c’est souvent aussi que je me trouve moi-