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inspirées par les lieux que nous avions visités ensemble ? Silencieuse à côté de moi, tu relisais chaque feuille et la recopiais sitôt écrite, pendant que la mer, les villages, les ravins, les montagnes se déroulaient à nos pieds. Quand l’accablante lumière avait fait place à l’innombrable armée des étoiles[1], tes questions fines et délicates, tes doutes discrets, me ramenaient à l’objet sublime de nos communes pensées. Tu me dis un jour que, ce livre-ci, tu l’aimerais, d’abord parce qu’il avait été fait avec toi, et aussi parce qu’il était selon ton cœur… Au milieu de ces douces méditations, la mort nous frappa tous les deux de son aile ; le sommeil de la fièvre nous prit à la même heure ; je me réveillai seul.

N’est-ce pas une divine musique, cette prose cadencée qui fait revivre les sentiments comme les paysages, qui n’use que de mots simples et n’est jamais empêtrée ni rocailleuse ?

Lisez maintenant cette phrase d’un autre académicien du siècle passé :

Tandis que l’idéal classique ne se concevait et ne se formulait qu’en fonction du public, l’idéal romantique n’a de raison d’être ou d’existence même qu’en fonction ou plutôt, et à vrai dire, dans la manifestation de la personnalité du poète ou de l’écrivain.

Voilà un exemple : de style laborieux, encombré de mots incolores et superflus, où il semble que la fatigue de l’écrivain gagne le lecteur. N’imitez pas

  1. Expression empruntée à l’Ancien Testament.