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forma peu à peu le français, sans qu’on puisse dire à quel moment de l’histoire cette langue cessa d’être du mauvais latin pour devenir un parler nouveau.

Voici deux vers qu’on chantait en l’an 880 environ, moins d’un siècle après la mort de Charlemagne dont nous ne connaissons pas le langage usuel (les écrivains de son temps se servaient tous du latin) :

Buona pulcella fut Eulalia,
Bel avret corps, bellezour anima,

c’est-à-dire : “ Bonne pucelle (jeune fille ; c’est le surnom sous lequel est encore connue Jeanne d’Arc) fut Eulalie. Beau avait corps (elle avait un beau corps), plus belle âme (l’âme encore plus belle que le corps)” Remarquez que nous disons meilleur, au lieu de ”plus bon” ? et que nous pourrions dire aussi beilleur au lieu de “plus beau” ; mais le français n’a pas conservé cette jolie forme.

Eh bien ! ces vers de la cantilène (chanson) en l’honneur de sainte Eulalie, sont-ils en latin ou en français ? Personne ne peut le dire ; c’est du latin qui est en cours de devenir du français.

Deux cents ans après, vers 1100, fut écrit un poème épique qui raconte la mort du paladin Roland à Roncevaux, la fameuse Chanson de Roland. C’est bien du français, mais si éloigné de notre langue que