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DEUXIÈME LETTRE

Ma chère Cornélie,

Je dois vous avertir d’abord que les substantifs latins prennent différentes formes suivant les rapports qu’ils expriment, c’est-à-dire aux différents cas (de casus, signifiant chute ou fin) du singulier et du pluriel. Ainsi “Paul” se dit Paulus et “Pierre” se dit Petrus ; mais “Paul aime Pierre” se dit Paulus amat Petrum, phrase où Petrum, complément direct du verbe amat, est ce qu’on appelle l’accusatif de Petrus.

De cette différence essentielle entre le français et le latin — comme toutes les langues romanes, le français a perdu les cas — en découle une autre qu’il faut vous signaler avec insistance. Puisque la forme des noms latins explique leur rôle dans la phrase, l’ordre des mots peut être plus libre qu’en français, sans préjudice de la clarté. Ainsi l’on dit également bien Paulus amat Petrum et Petrum amat Paulus, alors qu’en français “Paul aime Pierre” et “Pierre aime Paul” expriment des idées très différentes. Cette liberté de la construction latine est plus grande encore dans la poésie