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tant de zèle et d’activité que si elle devait le garder pour son usage.

On ne peut exprimer sans horreur combien féroces et sanguinaires étaient les Mysiens[1], ces barbares des Barbares. Un de leurs chefs, s’avançant hors des rangs, réclame le silence : « Qui êtes-vous ? nous dit-il. — Nous sommes, lui répondit-on tout d’une voix, les Romains, maîtres des nations. — Il en sera ainsi, répliqua-t-il, quand vous nous aurez vaincus. » Marcus Crassus en accepta l’augure. Aussitôt, les ennemis immolèrent un cheval en avant de l’armée, et firent vœu « d’offrir aux dieux les entrailles des généraux tués et de s’en nourrir ensuite. » Les dieux sans doute les entendirent, car les Mysiens ne purent même pas soutenir le son de la trompette. Le centurion Domitius, homme d’un courage brutal et extravagant, et digne adversaire de ces Barbares, me leur causa pas une médiocre terreur, en portant sur son casque une torche allumée, dont la flamme, excitée par les mouvements de son corps, semblait sortir de sa tête qui paraissait tout en feu.

Avant les Mysiens, les Besses, le plus puissant peuple de la Thrace, s’étaient révoltés. Ces Barbares avaient depuis longtemps adopté les enseignes militaires, la discipline, les armes mêmes des Romains. Mais, domptés par Pison, ils montrèrent leur rage jusque dans la captivité ; ils mordaient leurs chaînes avec une fureur qui portait avec elle-même sa punition.

Les Daces habitent des montagnes[2]. Toutes les fois que la glace avait uni les deux rives du Danube, ils descendaient de leurs demeures sous le commandement de Cotison, leur roi, et dévastaient les terres de leurs voisins. César Auguste crut devoir éloigner une nation dont l’accès était si difficile. Lentulus, envoyé contre elle, la repoussa au-delà du fleuve, et établit en-deçà des garnisons. Ainsi la Dacie fut non pas vaincue, mais reculée et sa conquête remise à plus tard.

Les Sarmates[3] sont toujours à cheval dans leurs vastes plaines. César se contenta de leur faire fermer, par le même Lentulus, le passage du Danube. Ils n’ont que des neiges et quelques forêts peu épaisses. Telle est leur barbarie, qu’ils ne comprennent pas l’état de paix.

Plût aux dieux qu’Octave eût attaché moins de prix à la conquête de la Germanie ! Elle fut plus honteusement perdue que glorieusement conquise. Mais, sachant que César, son père, avait jeté deux fois un pont sur le Rhin, pour porter la guerre dans cette contrée, Auguste voulut, pour honorer sa mémoire, en faire une province romaine ; et il y serait parvenu, si les Barbares avaient pu supporter nos vices comme notre domination. Drusus, envoyé contre eux, dompta d’abord les Usipètes, parcourut le pays des Tencthères et des Cattes[4]. Il étala sur un tertre élevé les riches dépouilles des Marcomans[5], dressées en forme de trophée. Il attaqua ensuite à la fois toutes ces puissantes nations, les Chérusques[6], les Suèves et les Sicambres[7], qui avaient brûlé

  1. Plus communément appelés Mesiens. Ils habitaient une vaste contrée bornée au nord par le Danube, au sud par la Macédoine et la Thrace, à l’est par le pont Euxin.
  2. La Dacie étant au nord de la Mæsie, dont la séparait le Danube.
  3. Leur pays, au nord de la Dacie, répond à la partie orientale de la Pologne et à la Russie.
  4. Appelés par César les Suèves ; ils habitaient la Persse jusqu’à la Sala et la
  5. Peuple de la Germanie. Ils habitaient, dit Tacite, sur les bords de l’Elbe.
  6. Ils habitaient l’une et l’autre rive du Véser.
  7. Etablis sur la rive méridionnale de la Lippe.