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Il est déclaré ennemi de la république, non plus par quelques particuliers, mais par les suffrages de tout le sénat ; César l’attaque, le contraint de s’enfermer dans les murs de Pérouse, le réduit aux dernières horreurs de la famine, et le force à se rendre à discrétion.

VI. — Triumvirat. — (An de Rome 710.) — Antoine seul était déjà un obstacle à la paix, un empêchement au bien de la république, lorsque Lépide se joignit à lui, comme un feu à l’incendie. Que pouvait Octave contre deux armées ? Il fut donc forcé de s’associer à ce pacte sanglant. Tous avaient des vues différentes. Lépide brûlait de satisfaire sa passion des richesses qu’il avait l’espoir de retirer du bouleversement de l’Etat ; Antoine, de sacrifier à son ressentiment ceux qui l’avaient déclaré ennemi de l’état ; César, de venger enfin son père, et d’immoler Brutus et Cassius à ses mânes indignés. Ce furent là comme les conditions de la paix qui fut conclue entre les trois chefs. Au confluent de deux rivières, entre Pérouse et Bologne (54), ils joignirent leurs mains et saluèrent réciproquement leurs armées. Imitant un exemple funeste, ils entreprirent de former un triumvirat ; la république, opprimée par leurs armes, vit le retour des proscriptions de Sylla. Le massacre de cent quarante sénateurs en fut la moindre atrocité (55). Des morts affreuses, lamentables, atteignirent les proscrits dans leur fuite par tout l’univers. Qui pourrait assez gémir sur l’indignité de ces forfaits ! Antoine proscrit Lucius César, son oncle maternel ; et Lépide, Lucius Paulus, son frère. On était déjà habitué dans Rome à voir, exposées sur la tribune aux harangues, les têtes des citoyens égorgés. Cependant la ville ne put retenir ses larmes en contemplant la tête sanglante de Cicéron sur cette tribune, le théâtre de sa gloire ; et ce spectacle n’attirait pas moins de monde qu’autrefois son éloquence (56). Ces crimes étaient marqués à l’avance sur les tables d’Antoine et de Lépide. Pour César, il se contenta de faire périr les assassins de son père. Il le fit aussi parce que le meurtre du dictateur aurait paru légitime s’il n’avait pas été vengé.

VII. — Guerre de Cassius et de Brutus. — (An de Rome 709-711.) — Brutus et Cassius, en immolant César, semblaient avoir chassé du trône un autre roi Tarquin. Mais ce parricide même, par lequel ils voulaient surtout rétablir la liberté, en consomma la perte. Après le meurtre, redoutant, non sans raison, les vétérans de César, ils s’étaient aussitôt réfugiés du sénat au Capitole. Ce n’est pas que la volonté de venger leur général manquât à ces soldats ; mais ils n’avaient pas de chef. D’ailleurs comme, selon toute apparence, cette vengeance devait être fatale à la république, on renonça à l’exercer et, du consentement du consul, il fut rendu un décret d’amnistie. Cependant pour ne pas avoir à supporter la vue de la douleur publique, Brutus et Cassius s’étaient retirés dans leurs provinces de Syrie et de Macédoine, dont ils étaient redevables à ce même César qu’ils avaient tué. Ainsi la vengeance de sa mort fut plutôt différée qu’abandonnée.

Les triumvirs, ayant de concert réglé les affaires de la république, moins comme elles devaient que comme elles pouvaient l’être, la défense de la ville fut laissée à Lépide, et César marcha avec Antoine contre Cassius et Brutus. Ceux-ci, après