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périté. Dolabella et Antoine, auxquels il avait donné l’ordre d’occuper l’entrée de la mer Adriatique, avaient leurs camps, l’un sur la côte d’Illyrie, l’autre sur celle de Curicta[1]. Mais Pompée étant maître de la mer, son lieutenant Octavius Libon les surprit et les enveloppa tous deux avec de grandes forces navales. La famine arracha seul à Antoine sa soumission. Des radeaux que Basilus envoyait à son secours, faute de vaisseaux, furent pris comme dans un filet, par l’adresse des matelots Ciliciens du parti de Pompée, lesquels avaient imaginé de tendre des câbles dans la mer. Cependant la force des vagues en dégagea deux. Un autre, qui portait les Opitergins[2], resta engravé dans les sables et périt, digne du souvenir de la postérité. L’équipage se composait à peine de mille hommes, qui, entièrement entourés par une armée, soutinrent ses assauts pendant tout un jour, et, après de vains efforts de courage, plutôt que de se rendre, finirent, à la persuasion du tribun Vultéius, par se frapper mutuellement et se tuer les uns les autres.

En Afrique aussi, l’infortune de Curion ne fut égale qu’à sa valeur. Envoyé dans cette province pour la soumettre, déjà il était fier de la déroute et de la fuite de Varus, lorsque, surpris par la subite arrivée du roi Juba, il ne put résister à la cavalerie des Alaures. Vaincu, le chemin de la fuite lui était ouvert ; mais l’honneur lui fit un devoir de mourir avec l’armée dont sa témérité avait causé la perte (18).

Mais déjà la fortune réclame la présence des deux athlètes dans l’arène (19). Pompée avait choisi l’Épire pour le théâtre de la guerre. César ne le fait pas attendre. Il met ordre à tout ce qu’il laisse derrière lui (20) ; et, bravant les obstacles que lui oppose la rigueur de l’hiver, il s’élance à la guerre, porté par la tempête. Il place son camp près d’Oricum[3]. Une partie de son armée, que, faute de vaisseaux, il avait laissée avec Antoine, à Brundisium, tardait à le rejoindre ; dans son impatience, il ose, pour hâter l’arrivée de ces soldats, se confier, au milieu d’une nuit profonde, à une mer agitée par les vents, se jette dans un frêle esquif, et essaie de passer seul. On connaît le mot qu’il adressa au pilote épouvanté de l’imminence du péril : « Que crains-tu ? tu portes César (21). »

Toutes les forces sont réunies de part et d’autre ; les deux camps sont en présence ; mais les deux chefs ont des vues différentes. César, naturellement ardent, brûle de terminer la lutte, et ne cesse de présenter la bataille à Pompée, de le provoquer, de le harceler. Tantôt assiégeant son camp, il l’entoure d’une tranchée de seize milles d’étendue ; mais en quoi ces travaux pouvaient-ils nuire à une armée à qui la mer était ouverte, et apportait toutes les provisions en abondance ? tantôt il essaie, sans plus de succès, d’emporter Dyrrachium[4], que sa seule situation rendait inexpugnable. En outre, chaque sortie des ennemis est pour lui l’occasion d’un de ces combats où brilla l’incomparable valeur du centurion Scaeva, dont le bouclier fut percé de cent vingt traits (22) ; d’autres fois, enfin, il pille et ravage les villes al-

  1. Ile située au fond du golfe de Venise, aujourd’hui Velia.
  2. Opitergium, ville de la Veuétie, aujourd’hui Operza.
  3. Ville d’Épire, située au dessous de Dyrrachium, sur le bord de la mer Adriatique ; c’est aujourd’hui Orico.
  4. Aujourd’hui Durazzo, en Épire.