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sonna d’abord à Ariminum (11). Aussitôt Libon fut chassé de l’Etrurie, Thermus, de l’Ombrie ; Domitius, de Corfinium ; et la guerre était terminée sans effusion de sang, si César eût pu prendre Pompée dans Brundisium[1], dont il avait commencé le siège (12) ; mais, franchissant les digues qui devaient former le port, son rival s’échappa pendant la nuit. O honte ! le premier des sénateurs, l’arbitre de la paix et de la guerre, fuyait alors dans un vaisseau délabré et presque désarmé, sur une mer où il avait triomphé (13).

L’abandon de l’Italie par Pompée n’était pas plus déshonorant que l’abandon de Rome par le Sénat. César entre dans cette ville, que l’épouvante avait rendue presque déserte, et se fait lui-même consul (14). Les tribuns tardant trop à lui ouvrir le trésor sacré (15), il ordonne d’en briser la porte, et ravit, avant l’empire, les revenus et le patrimoine du peuple romain. Après l’expulsion et la fuite de Pompée, il jugea bon de régler les affaires des provinces avant de le poursuivre. Il occupa, par ses lieutenants, la Sicile et la Sardaigne, pour assurer les subsistances. Aucune hostilité n’était à craindre du côté de la Gaule ; lui-même y avait établi la paix. Mais, comme il allait combattre les armées que Pompée avait en Espagne, Marseille osa lui fermer ses portes. Ville infortunée ! elle ne désirait que la paix ; et la crainte de la guerre la précipita dans la guerre ! Comme elle était défendue par de fortes murailles, il ordonna qu’en son absence on la réduisît en son pouvoir. Cette colonie grecque, qui, malgré son origine, ne connaissait pas la mollesse (16), osa forcer les retranchements des assiégeants, incendier leurs machines, attaquer leur flotte. Mais Brutus, chargé de cette guerre, vainquit, dompta ces ennemis sur terre et sur mer (17). Ils se rendirent bientôt, et tous leurs biens leur furent enlevés, excepté celui qu’ils préféraient à tous les autres, la liberté.

En Espagne, la guerre contre les lieutenants de Cnaeus Pompée, Pétréius et Afranius, mêlée d’événements divers, fut indécise et sanglante. César entreprit de les assiéger dans leur camp établi près d’Herda[2], sur le Sicoris[3], et d’intercepter leurs communications avec la ville. Sur ces entrefaites, les pluies du printemps ayant fait déborder la rivière, empêchèrent l’arrivée de ses subsistances. La famine se fit alors sentir dans son camp et, d’assiégeant, il fut comme assiégé lui-même. Mais, dès que la rivière eut repris son cours paisible, et ouvert les campagnes aux courses et aux combats, César pressa ses ennemis avec un nouvel acharnement, les atteignit dans leur retraite vers la Celtibérie[4], les enferma dans des retranchements et des circonvallations, et, au moyen de ces travaux, les contraignit de se rendre, pour se soustraire à la soif. Ainsi fut réduite l’Espagne citérieure. L’ultérieure[5] ne fit pas une longue résistance ; car que pouvait une seule légion, après la défaite de cinq autres ? On vit donc, lorsque Varron se fut volontairement soumis, Gadès, le détroit, l’Océan, tout enfin reconnaître le bonheur de César.

La fortune, pourtant, osa en l’absence de ce général, se déclarer un moment contre lui, en Illyrie et en Afrique, comme si elle se fût étudiée à rehausser par quelques revers l’éclat de sa pros-

  1. Brindes.
  2. Aujourd’hui Lérida, dans la Catalogne.
  3. Aujourd’hui la Segre.
  4. Castille et Aragon.
  5. Elle comprenait la Bétique et la Lusitanie.