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appeler aux armes ? Les biens des citoyens condamnés, adjugés par Sylla, étaient injustement mais juridiquement acquis. En demander la restitution, c’était évidemment ébranler l’Etat dans ses nouvelles bases. Il fallait à la république, malade et blessée, du repos à quelque prix que ce fût ; vouloir guérir ses plaies, c’était risquer de les rouvrir.

Quand les turbulentes harangues de Lépidus eurent, comme le clairon des batailles, sonné l’alarme dans la ville, il alla en Etrurie lever une armée qu’il fit marcher sur Rome. Mais Lutatius Catulus et Cnaeus Pompée, les chefs du parti de Sylla, dont leur nom était comme le drapeau, occupèrent, avec une autre armée, le pont Milvius et le mont Janicule. Repoussé dès le premier choc, et déclaré ennemi public par le sénat, Lépidus s’enfuit, sans vouloir verser de sang, en Etrurie, et de là en Sardaigne, où il mourut de maladie et de regret. Les vainqueurs, exemple unique dans les guerres civiles, se contentèrent d’avoir rétabli la paix.


LIVRE QUATRIÈME.

I. — Guerre de Catilina. — (An de Rome 690.) — La débauche, puis la ruine de son patrimoine, qui en fut la suite, et en même temps l’occasion que lui offrait l’éloignement des armées romaines, occupées auux extrémités du monde, inspirèrent à Catilina l’horrible projet d’opprimer sa patrie. Il voulait massacrer le sénat, poignarder les consuls, consumer Rome dans un vaste incendie, piller le trésor, renverser enfin toute la république de fond en comble et aller, dans ses forfaits contre elle, au-delà même de tout ce que semblait avoir souhaité Annibal. Et quels furent, grands dieux ! les complices de son attentat ! Lui-même était patricien ; mais c’est peu, à considérer les Curius, les Porcius, les Sylla, les Céthégus, les Autronius, les Varguntéius, les Longinus ; quels noms ! quels ornements du sénat ! Il y avait aussi Lentulus, alors préteur. Catilina les eut tous pour satellites dans l’exécution de sa monstrueuse entreprise. Le gage de leur union fut du sang humain bu dans des coupes qui circulèrent de main en main (1) ; crime sans égal, s’il n’eût été surpassé par celui dont ce breuvage fut le prélude.

C’en était fait d’un si bel empire, si cette conjuration ne se fût tramée sous le consulat de Cicéron et d’Antoine, dont l’un la découvrit par sa vigilance, et l’autre l’étouffa par les armes. Le premier indice de cet exécrable forfait fut donné par Fulvie, vile courtisane, mais qui n’avait pas trempé dans ce complot parricide. Alors le consul Cicéron, ayant assemblé le sénat, accusa le coupable en sa présence même ; mais le seul fruit de sa harangue fut l’évasion de cet ennemi de la patrie, et la menace qu’il osa faire « d’éteindre sous des ruines l’incendie allumé contre lui. » Il va joindre alors l’armée que Manlius tenait prête en Etrurie. Lentulus s’appliquant des vers Sibyllins qui promettaient la royauté de sa famille (2), dispose dans toute la ville, au jour marqué par Catilina, des soldats, des torches et des armes. Non content d’avoir machiné une conspiration domestique, il sollicite le secours des Allobroges,