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Sous le consulat de Scipion et de Norbanus éclata, dans toute sa fureur, le troisième orage des guerres civiles. D’une part, en effet, huit légions et cinq cents cohortes étaient sous les armes ; de l’autre, Sylla accourait de l’Asie avec une armée victorieuse. Marius, s’étant montré si barbare envers les partisans de Sylla, que de cruautés ne fallait-il pas pour venger Sylla de Marius ? La première bataille se livre près de Capoue, sur la rive du Vulturne. L’armée de Norbanus est aussitôt mise en déroute ; et Scipion, se laissant tromper par l’espoir de la paix, perd bientôt toutes ses troupes.

Le jeune Marius, et Carbon, tous deux consuls, désespérant presque de la victoire, mais ne voulant pas périr sans vengeance, préludaient alors à leurs funérailles en répandant le sang des sénateurs. Le lieu des assemblées fut investi ; et l’on tirait du sénat, comme d’une prison, ceux qu’on voulait égorger. Que de meurtres dans le Forum, dans le Cirque, dans l’enceinte même des temples ! Le pontife Quinctus Mucius Scaevola fut tué comme il tenait embrassé l’autel de Vesta, et peu s’en fallut qu’il n’eût le feu sacré pour sépulture (31). Cependant Lamponius et Télésinus, chefs des Samnites, dévastaient la Campanie et l’Etrurie avec plus de fureur que Pyrrhus et Annibal ; et, sous prétexte de soutenir un parti, ils vengeaient leurs injures.

Toutes les troupes ennemies furent vaincues à Sacriport[1] et près de la porte Colline ; là fut défait Marius, ici Télésinus. Toutefois, la fin de la guerre ne fut pas celle des massacres. Le glaive resta tiré pendant la paix, et l’on sévit contre ceux qui s’étaient soumis volontairement. Que Sylla ait taillé en pièces, à Sacriport et près de la porte Colline, plus de soixante-dix mille hommes, c’était le droit de la guerre ; mais qu’il ait fait égorger, dans un édifice public, quatre mille citoyens désarmés et qui s’étaient rendus, tant de victimes en pleine paix, n’est-ce pas un massacre plus grand ? Qui pourrait compter ceux qu’immolèrent de tous côtés, dans Rome, des vengeances particulières ? Furfidius, ayant enfin représenté à Sylla « qu’au moins devait-il laisser vivre quelques citoyens, pour avoir à qui commander, » on vit paraître cette longue table qui contenait les noms de deux mille Romains, choisis parmi la fleur de l’ordre équestre et du sénat, et auxquels il était ordonné de mourir : premier exemple d’un pareil édit.

Parlerai-je, après tant d’horreurs, des outrages qui accompagnèrent la mort de Carbon, celle du préteur Soranus, celle de Vénuléius ? Parlerai-je de Baebius, déchiré non par le fer, mais par les mains de ses assassins, véritables bêtes féroces, de Marius, le frère du général, traîné au tombeau de Catulus, les yeux crevés, les mains et les jambes coupées, et qui fut laissé quelque temps dans cet état, pour qu’il se sentît mourir par tous ses membres ?

Les supplices individuels sont presque abandonnés, et l’on met à l’encan les plus belles villes municipales de l’Italie, Spolète, Intéramnium[2], Préneste[3], Florence[4]. Quant à Sulmone, cette antique cité, l’alliée et l’amie de Rome, Sylla, par un indigne attentat envers une ville qu’il n’avait pas encore prise d’assaut, en exige des otages, comme usant du droit de la guerre, les condamne

  1. Près de Préneste.
  2. Ville de l’Ombrie.
  3. Dans le Latium.
  4. En Étrurie.