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tenta de l’ovation, pour ne pas avilir la dignité du triomphe par l’inscription d’une victoire sur des esclaves.

La Sicile respirait à peine que les esclaves reprennent les armes, non plus sous un Syrien, mais sous un Cilicien. Le pâtre Athénion, après avoir assassiné son maître, délivre de prison ses compagnons d’esclavage, et les range sous ses enseignes. Revêtu d’une robe de pourpre, un sceptre d’argent à la main, et le front ceint du bandeau royal, il rassemble une armée non moins nombreuse que celle de son fanatique prédécesseur, et, comme pour le venger, il se livre à de bien plus cruelles violences, pille les hameaux, les forteresses et les villes, se montre impitoyable envers les maîtres, et surtout envers les esclaves qu’il traite comme des transfuges. Il battit aussi des armées prétoriennes ; il prit le camp de Servilius, il prit celui de Lucullus. Mais Aquilius, à l’exemple de Perperna, réduisit cet ennemi à l’extrémité en lui coupant les vivres, et détruisit sans peine, par la famine, des troupes que leurs armes eussent longtemps défendues. Elles se seraient rendues si la crainte des supplices ne leur eût fait préférer une mort volontaire. On ne put même infliger à leur chef aucun supplice, quoiqu’il fût tombé en notre pouvoir. Une foule de soldats s’efforçant de saisir cette proie, il fut, dans la lutte, déchiré entre leurs mains.

XXI. — Guerre contre Spartacus. — (An de Rome 680-682.) — Peut-être encore supporterait-on la honte d’avoir pris les armes contre des esclaves ; car, si la fortune les a exposés à tous les outrages, ils sont du moins comme une seconde espèce d’hommes que nous pouvons même associer aux avantages de notre liberté ! Mais quel nom donnerai-je à la guerre qu’alluma Spartacus ? je ne le sais. Car on vit des esclaves combattre, et des gladiateurs commander, les premiers, nés dans une condition infime, les seconds, condamnés à la pire de toutes : ces étranges ennemis ajoutèrent au désastre le ridicule.

Spartacus, Crixus, Ænomaus, gladiateurs de Lentulus, ayant forcé les portes de l’enceinte où ils s’exerçaient, s’échappèrent de Capoue avec trente au plus des compagnons de leur fortune, appelèrent les esclaves sous leurs drapeaux, et réunirent bientôt plus de dix mille hommes. Non contents d’avoir brisé leurs chaînes, ils aspiraient à la vengeance. Le Vésuve fut comme le premier sanctuaire où ils cherchèrent un asile. Là, se voyant assiégés par Clodius Glaber, ils se glissèrent, suspendus à des liens de sarments, le long des flancs caverneux de cette montagne, et descendirent jusqu’à sa base ; puis, s’avançant par des sentiers impraticables, ils s’emparèrent tout à coup du camp du général romain, qui était loin de s’attendre à une telle attaque. Un autre camp est encore enlevé par eux. ils se répandent ensuite dans les environs de Cora, et dans toute la Campanie, ne se contentent pas de dévaster les maisons de campagne et les bourgs, et exercent d’effroyables ravages dans les villes de Nole et de Nucérie[1], de Thurium et de Métaponte[2].

Leurs forces grossissaient de jour en jour et formaient déjà une armée régulière. Ils se fabri-

  1. Dans la Campanie.
  2. Dans la Lucanie.