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lieutenants Cotta et Titurius Sabinus. On ne put pas même tirer une prompte vengeance de ce roi, qui s’enfuit et resta toujours caché au-delà du Rhin. Ce fleuve toutefois ne fut pas à l’abri de nos armes ; il n’était pas juste qu’il pût impunément receler et protéger les ennemis.

La première guerre de César contre les Germais fut fondée sur les plus justes motifs. Les Eduens en effet se plaignaient de leurs incursions. Quel orgueil ne montra pas Arioviste lorsque, invité par les députes à venir trouver César, il répondit : — « Eh ! quel est César ? qu’il vienne, s’il le veut, lui-même. Que lui importe, que lui fait notre Germanie ? Me mêlé-je, moi, des affaires des Romains ? » Ces nouveaux ennemis répandirent dans le camp une telle terreur que partout, même dans la tente des plus braves, on faisait son testament (22). Mais plus les corps énormes des Germains présentaient d’étendue, plus ils offraient de prise aux glaives et aux javelots. Quelle ne fut pas, dans cette bataille, l’ardeur de nos soldats ! Rien ne peut mieux la faire comprendre que ce fait : les Barbares élevaient leur bouclier au-dessus de leur tête et formaient ainsi la tortue[1] ; les Romains s’élançaient sur cette voûte, et, de là, leur plongeaient l’épée dans la gorge[2].

Les Tenctères se plaignirent aussi des Germains. César résolut alors de passer la Moselle, et même le Rhin, sur un pont de bateaux. Il chercha l’ennemi dans la forêt d’Hercynie ; mais toute la nation s’était dispersée dans les bois et dans les marais : tant la puissance romaine avait subitement jeté l’épouvante sur la rive du fleuve !

César avait passé le Rhin une fois ; il le traversa une seconde fois sur un pont qu’il y fit construire. Mais l’effroi fut plus grand encore. A la vue de ce pont, qui était comme un joug imposé à leur fleuve captif, les Germains s’enfuirent de nouveau dans les forêts et les marécages ; et ce qui causa le plus vif regret à César, c’est qu’il ne trouva pas d’ennemis à vaincre.

Maître de tout sur terre et sur mer, il jeta ses yeux sur l’Océan ; et, comme si le monde conquis n’eût pas suffi aux Romains, il en convoita un autre. Ayant donc équipé une flotte, il passa en Bretagne. Il traversa la mer avec une étonnante célérité : sorti du port des Morins à la troisième veille de la nuit, il aborda dans l’île avant le milieu du jour. Son arrivée causa sur le rivage ennemi un tumulte général, et les insulaires, épouvantés par un spectacle si nouveau, faisaient voler leurs chars de tous côtés[3]. Cet effroi nous tint lieu d’une victoire. César reçut des Bretons tremblants leurs armes et des otages ; et il eût pénétré plus avant, si l’Océan n’eût châtié, par un naufrage, sa flotte téméraire.

Alors il revint en Gaule, accrut sa flotte, augmenta ses troupes, affronta de nouveau ce même Océan, et ces mêmes Bretons, les poursuivit dans les forêts de la Calédonie, et donna des fers à un des rois vassaux de Cavelian. Content de ce succès (car ce n’était pas la conquête d’une province, mais la gloire qu’il ambitionnait), il repassa la mer avec un plus riche butin que la première

  1. V. de Belle Gall. l. 1. c. 25 et la note 14 du 1er livre des commentaires sur la guerre des Gaules. p. 333.
  2. De Bell. Gal. l. 1, c. 52
  3. Cæs. De Bell. Gall. l. 4. c. 13-16.