Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/673

Cette page n’a pas encore été corrigée

un sacrilège ; et sans une religieuse horreur.

Mais toutes les difficultés de la guerre nous attendaient chez les Lusitaniens et chez les Numantins ; et cela devait être, car, des nations de l’Espagne, ils étaient les seuls qui eussent des généraux. Il en eût été de même de tous les Celtibères, si, dès le commencement de la guerre, n’eût péri le chef de leur révolte, Salondicus, qui alliait au plus haut degré la ruse et l’audace, et à qui le succès seul a manqué. Agitant dans sa main une lance d’argent, qu’il prétendait avoir reçue du ciel, il contrefaisait l’inspiré, et avait entraîné tous les esprits. Mais, par une témérité digne de lui, s’étant, à l’entrée de la nuit, approché du camp du consul, il fut percé d’un javelot par la sentinelle de garde près de la tente.

Cependant Viriathus releva le courage des Lusitaniens. Cet homme, d’une habileté profonde, qui de chasseur était devenu brigand, puis, tout d’un coup, de brigand capitaine et général d’armée, aurait été, si la fortune l’eût secondé, le Romulus de l’Espagne. Non content de, défendre la liberté de ses concitoyens, il porta, pendant quatorze ans, le fer et le feu dans tous les pays situés en-deçà et au-delà de l’Èbre et du Tage, attaqua même dans leur camp nos préteurs et nos gouverneurs, extermina presque entièrement l’armée de Claudius Unimanus, et possesseur de nos trabées et de nos faisceaux, il en érigea dans ses montagnes de superbes trophées. Le consul Fabius Maximus était enfin parvenu à l’accabler ; mais Servilius, son successeur, déshonora sa victoire. Impatient de terminer la guerre, et quoique Viriathus, abattu par ses revers, ne songeât plus qu’au parti extrême de se rendre, il eut recours à la ruse, à la trahison, au poignard de ses propres gardes ; et, par là, il procura à son ennemi la gloire de paraître n’avoir pu être vaincu autrement.

XVIII. — Guerre de Numance. — (An de Rome 612 - 620) — Numance[1], inférieure en richesses à Carthage, à Capoue, à Corinthe, les égalait cependant toutes trois en valeur et en renommée, et elle était, à en juger par ses guerriers, le principal ornement de l’Espagne. Sans murs, sans tours, située sur une éminence médiocrement élevée, près du fleuve Duérius[2], elle résista seule, pendant quatorze ans, avec quatre mille Celtibériens, à une armée de quarante mille hommes : et non seulement elle leur résista, mais elle leur porta des coups quelquefois terribles, et leur imposa de honteux traités. Enfin, comme elle paraissait invincible, il fallut recourir à celui qui avait détruit Carthage.

Jamais guerre, s’il est permis de l’avouer, n’eut une cause plus injuste. Les Numantins avaient accueilli les habitants de Sigida[3], leurs alliés et leurs parents, échappés à la poursuite des Romains. Ils avaient vainement intercédé en leur faveur ; et, quoiqu’ils se fussent tenus éloignés de toute participation aux guerres précédentes, il leur fut ordonné, et notre alliance était à ce prix, de poser les armes. Les Barbares reçurent cette injonction comme un ordre de se couper les mains. Aussitôt donc, sous la conduite de Mégara, homme intrépide, ils coururent aux armes et présentèrent la bataille à Pompéius. Pouvant l’accabler, ils aimèrent cependant mieux traiter avec lui. Ils atta-

  1. On voit encore les ruines de cette ville, dans la vieille Castille, non de loin de Soria.
  2. Le Douro.
  3. Ville voisine de Numance.