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de Rome 582 — 585). — Tandis que la guerre de Syrie entraînait la ruine de tant d’autres nations, la Macédoine se releva. Ce peuple vaillant tressaillait au souvenir de sa gloire passée ; et Persée, fils et successeur de Philippe, doutait, pour l’honneur de cette nation, qu’elle pût être vaincue pour toujours, ne l’ayant été qu’une seule fois. Les Macédoniens font, sous ce roi, un bien plus puissant effort que sous son père. Ils avaient en effet attiré les Thraces dans leur parti ; et l’habileté des Macédoniens trouvait ainsi un appui dans la vigueur des Thraces, comme la valeur farouche des Thraces, une règle dans la discipline des Macédoniens. A ces avantages venait se joindre la prudence du roi, qui, après avoir examiné, du sommet de l’Hémus (38), la situation de ses provinces, établit des camps dans les lieux escarpés et entoura la Macédoine d’une enceinte d’armes et de fer qui semblait ne laisser d’accès qu’à des ennemis descendus du ciel. Cependant, l’armée romaine, sous le consul Marcius Philippus, pénétra dans cette province, après avoir soigneusement exploré toutes ses avenues, suivi les bords du marais Ascuris, gravi des hauteurs escarpées et presque impraticables, qui paraissaient inaccessibles aux oiseaux mêmes. Le roi, qui, dans sa sécurité, croyait n’avoir rien de tel à craindre, fut épouvanté de cette soudaine irruption de notre armée, et son trouble fut tel, qu’il fit jeter à la mer tous ses trésors, pour que leur perte ne profitât pas à l’ennemi, et mettre le feu à sa flotte, de peur qu’il ne la brûlât.

Le consul Paul Émile[1], voyant qu’on avait augmenté la force et le nombre des garnisons, surprit la Macédoine par d’autres passages, à la faveur d’un artifice et du plus ingénieux stratagème : la menaçant d’un côté, il l’envahit d’un autre. Sou arrivée causa Persée une telle terreur que ce roi, n’osant combattre en personne, confia à ses généraux la conduite de la guerre. Vaincu en son absence, il s’enfuit sur les mers, et alla dans l’île de Samothrace[2], chercher un asile consacré par la religion, comme si les temples et les artels eussent pu défendre celui que n’avaient point protégé ses montagnes et ses armées.

Aucun roi ne conserva plus longtemps le sentiment de sa fortune passée. Réduit à supplier, si, du temple où il s’était réfugié, il écrivait au général romain, il ajoutait à son nom sur cette lettre le titre de roi ; personne aussi n’eut plus de respect que Paul Émile pour la majesté captive. Lorsque Persée parut en sa présence, il le conduisit dans sa tente, l’admit à sa table, et exhorta ses enfants à redouter la fortune si inconstante[3].

Le peuple romain mit au rang des plus beaux triomphes qu’il eût jamais vus celui de la Macédoine, dont le spectacle dura trois jours. Le premier jour, on porta par la ville les statues et les tableaux ; le second les armes et les trésors ; le troisième, parurent les captifs et le roi lui-même, encore étonné, frappé de stupeur comme par une catastrophe soudaine (39). Au reste, les Romains avaient goûté la joie de cette victoire longtemps

  1. Fils de celui qui fut tué à Cannes.
  2. Au nord de la mer Égée, vis-à-vis les rivages de la Thrace.
  3. V. Tite-Live, l. 43, c. 8.