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par toute la terre un ennemi au peuple romain (37). Et quel eût été notre péril, si le roi se fût livré à ses conseils, c’est-à-dire, si ce malheureux Annibal eût disposé des forces de l’Asie ? Mais Antiochus, dans la confiance que lui inspirait sa puissance et son nom de roi, se contenta d’avoir allumé la guerre.

Déjà l’Europe, par un droit incontestable, appartenait aux Romains. Cet Antiochus leur redemanda, comme un bien héréditaire, la ville de Lysimachie, fondée par ses ancêtres, sur la côte de Thrace. Ce fut, pour ainsi dire, sous l’influence de cet astre que se souleva la tempête de la guerre asiatique ; et le plus grand des rois, content de l’avoir courageusement déclarée, partit de l’Asie avec un fracas et un tumulte extraordinaires ; il occupa aussitôt les îles et les rivages de la Grèce, et s’y livra au repos et aux plaisirs, comme un vainqueur. L’île d’Eubée est séparée du continent par un petit détroit que le flux et le reflux de l’Euripe ont formé. Là, ayant fait dresser des tentes d’or et de soie, il mariait, au bruit des ondes du détroit, les sons de la flûte et de la lyre, faisait, malgré l’hiver, apporter de tous côtés des roses, et s’occupait, pour paraître jouer un peu le rôle de général, à faire des levées de jeunes filles et d’enfants.

Un tel prince était donc déjà vaincu par son luxe. Envoyé par le peuple romain, le consul Acilius Glabrion s’avança pour l’attaquer dans l’Eubée, et le força, par le seul bruit de son arrivée, à s’enfuir aussitôt de cette île. Alors, malgré sa fuite précipitée, il l’atteignit aux Thermopyles, lieu si célèbre par la belle mort des trois cents Spartiates. Antiochus, loin de profiter de l’avantage du lieu, ne fit aucune résistance, et Glabrion le força à céder la mer et la terre. Aussitôt, et sans s’arrêter, on marche vers la Syrie. La flotte royale avait été confiée à Polyxénidas et à Annibal ; car le roi ne pouvait pas même être spectateur d’un combat. Aemilius Régillus, avec le secours des galères rhodiennes, l’eut bientôt réduite tout entière. Qu’Athènes ne soit plus si fière ! nous avons vaincu Xerxès dans Antiochus ; dans Æmilius, égalé Thémistocle ; dans Éphèse, remplacé Salamine.

Alors, sous le consulat de Scipion, que son frère, ce Scipion l’Africain, naguère vainqueur de Carthage, voulut accompagner en qualité de lieutenant, on résolut d’achever la ruine d’Antiochus. Déjà, il est vrai, il nous avait abandonné toute la mer ; mais nos vues se portent plus loin. On campe près du fleuve Méandre et du mont Sypyle. Le roi s’y trouvait avec des forces prodigieuses, soit auxiliaires, soit nationales : trois cent mille hommes de pied et un nombre proportionné de cavaliers et de chars armés de faux. Des éléphants d’une grandeur monstrueuse, brillants d’or, de pourpre, d’argent et de l’éclat de leur ivoire, servaient comme de rempart aux ailes de son armée. Mais tout cet appareil s’embarrassait dans sa propre grandeur. D’ailleurs, une pluie, survenue tout à coup, par un bonheur singulier, avait détendu les arcs persans. D’abord l’épouvante et bientôt la fuite de l’ennemi assurèrent notre triomphe. Antiochus, vaincu et suppliant, obtint la paix et une partie de ses états ; on y consentit d’autant plus volontiers qu’il avait cédé plus facilement.