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d’un combat de cavalerie, les rames servaient comme de brides ; et les mobiles éperons, dirigés successivement en tous sens, avaient l’air d’être animés (10). Aussi les navires des ennemis, fracassés en un moment, couvrirent de leur naufrage toute la mer qui s’étend de la Sicile à la Sardaigne. Cette victoire fut enfin si décisive que les Romains ne pensèrent plus à renverser les remparts de leurs ennemis ; il leur parut superflu de sévir contre une citadelle et des murs, lorsque Carthage était déjà détruite sur la mer.

III. — Guerre contre les Ligures. — (An de Rome 515-581.) — La guerre punique terminée, il y eut pour Rome un intervalle de repos bien court, et comme nécessaire pour qu’elle reprît haleine. En témoignage de la paix et de la bonne foi avec laquelle elle déposait les armes, alors, pour la première fois depuis Numa, la porte du temple de Janus fut fermée ; mais on la rouvrit aussitôt et tout à coup ; car déjà les Ligures, déjà les Gaulois Insubres et bien évidemment les Illyriens nous provoquaient. Un dieu semblait exciter perpétuellement contre nous les peuples situés au pied des Alpes, c’est-à-dire à l’entrée même des gorges de l’Italie, pour préserver nos armes de la rouille et de la saleté. Enfin, ces ennemis journaliers, et en quelque sorte domestiques, exerçaient nos soldats dans la pratique de la guerre ; et le peuple romain, dans sa lutte contre chacune de ces nations, aiguisait, comme sur une pierre, le fer de sa valeur.

Les Ligures, retranchés au fond des Alpes, entre le Var[1] et la Macra[2], et cachés au milieu de buissons sauvages, étaient plus difficiles a trouver qu’à vaincre. En sécurité dans leurs retraites et par la promptitude à fuir, cette race infatigable et agile, se livrait à l’occasion plutôt au brigandage qu’à la guerre. Salyens, Décéates, Oxybiens, Euburiates, Ingaunes, tous surent éluder longtemps et souvent la rencontre de nos armées ; enfin, Fulvius entoura leurs repaires d’un vaste incendie ; Bébius les fit descendre dans la plaine (11), et Postumius les désarma totalement si bien qu’à peine leur laissa-t-il du fer pour cultiver la terre.

IV. — Guerre contre les Gaulois. — (An de Rome 515-551.) — Les Gaulois Insubres et ces habitants des Alpes avaient l’intrépidité des bêtes féroces et une stature plus qu’humaine. Mais l’expérience nous a démontré que si dans le premier choc ils sont plus que des hommes, ils deviennent, dans les suivants, plus faibles que des femmes (12). Leurs corps, nourris sous le ciel humide des Alpes, ont quelque similitude avec les neiges de ces montagnes. A peine échauffés par le combat, ils s’en vont aussitôt en sueur, et, au plus léger mouvement, ils fondent comme la neige à la chaleur du soleil (13). Ils avaient fait souvent dans d’autres occasions, et ils renouvelèrent, sous leur chef Britomare (14), le serment de ne pas délier leurs baudriers qu’ils n’eussent monté au Capitole. Il fut accompli. Émilius, leur vainqueur[3], détacha leurs baudriers dans ce temple. Bientôt après, sous la conduite d’Arioviste, ils vouèrent à leur Mars[4] un collier des dépouilles de nos soldats. Jupiter intercepta le vœu ; car ce fut avec les colliers des Gaulois que, lui, Flaminius lui éri-

  1. Le Var, qui donne aujourd’hui son nom à un département de la France, séparant de la Gaule appelée Narbonaise, sur la Ligurie, qui répond au pays de Gênes.
  2. La Marcra formailt la limite entre la Gaule Cisalpine, dont la Ligurie faisait partie, et le reste de l’Italie.
  3. Près de Télamone, petit port de l’Étrurie, l’an de R. 529.
  4. Ils l’appelaient Héssu V. Caes de Bell Gall l. VI, c. 17. Tacite l. IV, c. 64.