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éclate surtout dans les calamités. Carthage eut recours à des auxiliaires étrangers ; Lacédémone lui envoya pour général Xantippe (7), très habile homme de guerre, qui nous vainquit. Alors, par une catastrophe déplorable et dont les Romains n’avaient pas encore fait l’expérience, leur intrépide général tomba vivant entre les mains des ennemis. Mais il se montra égal à une telle infortune. Il ne se laissa ébranler, ni par sa prison de Carthage, ni par l’ambassade dont on le chargea. En effet, contrairement aux instructions des ennemis, il fit des propositions pour que Rome ne fît pas la paix, n’acceptât pas l’échange des prisonniers. Ni son retour volontaire chez les Carthaginois, ni les horreurs de son dernier emprisonnement, ni son supplice sur la croix (8), ne purent flétrir sa majesté. Il fut plus admirable encore par tout cela, et que dire d’autre ? le vaincu ne triompha-t-il pas de ses vainqueurs, et, au défaut de Carthage, de la fortune même (9) ?

Le peuple romain fut beaucoup plus ardent et acharné à poursuivre la vengeance de Régulus qu’à obtenir la victoire. Les Carthaginois, animés par plus d’orgueil, avaient reporté la guerre en Sicile. Le consul Métellus fit un tel carnage, auprès de Panorme, qu’ils renoncèrent dès lors à tout projet sur cette île. La preuve de cette éclatante victoire fut apportée par la prise d’environ cent éléphants. C’eût été une proie immense, alors même qu’on l’eût faite non pas à la guerre, mais à la chasse.

On fut, sous le consul Appius Claudius, vaincu moins par les ennemis que par les dieux eux-mêmes, dont il avait méprisé les auspices ; sa flotte fut à l’instant submergée à l’endroit même où il avait fait jeter les poulets sacrés, qui lui défendaient de combattre[1].

Sous le consul Marcus Fabius Butéon, l’on détruisit sur la mer d’Afrique, auprès d’Égimure[2], une flotte carthaginoise, qui cinglait à pleines voiles vers l’Italie. Quel triomphe, ô ciel ! nous fut arraché par la tempête, alors que, chargée de riches dépouilles, notre flotte, battue des vents contraires, remplit de son naufrage l’Afrique, les Syrthes, les plages de toutes les nations, les rivages de toutes les îles ! Malheur considérable, mais qui ne fut pas sans quelque gloire pour le peuple roi : la victoire ne fut dérobée que par la tempête, et le triomphe anéanti que par un naufrage. Et pourtant, les dépouilles de Carthage, en allant, sur les ondes, se briser contre tous les promontoires et toutes les îles, annonçaient ainsi partout le triomphe du peuple romain.

Enfin, sons le consulat de Lutatius Catulus, la guerre fut terminée près des îles qui portent le nom d’Égates[3]. Jamais la mer ne vit une bataille plus terrible. La flotte des ennemis, surchargée de vivres, de soldats, de machines, d’armes, semblait porter Carthage tout entière ; et c’est ce qui causa sa perte. La flotte romaine, prompte, légère, agile, ressemblait à un camp. L’action offrit l’image

  1. V. Cic. De Nat. Deor. ii. ed. Val. Max. l. I, c. 4 § 3.
  2. Petite île entre la Sicile et l’Afrique.
  3. Trois îles dans la mer de Sicile, près du cap de Lilybée ; on les appela Ave à cause du traité que les Romains y firent avec les Carthaginois, les uns prenant à témoin Jupiter Capitolin, les autres Jupiter Lybien. Ce son aujourd’hui Santo-Levenzo, Maetame, Fovorgnana.