Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/655

Cette page n’a pas encore été corrigée

atteint l’adolescence. Fort et jeune alors, il réalisait toutes les idées de force et de jeunesse, et pouvait désormais égaler l’univers. Ainsi, par une étonnante et incroyable destinée, ce peuple qui avait lutté, sur son propre sol, pendant près de cinq cents ans, (tant il était difficile de donner un chef à l’Italie), n’employa que les deux cents années qui suivent pour promener dans l’Afrique, dans l’Europe, dans l’Asie, enfin dans le monde entier, ses guerres et ses victoires.

II. — Première guerre punique. — (An de Rome 489 - 511). — Vainqueur de l’Italie, il en avait parcouru la terre jusqu’au détroit, lorsque, semblable à un incendie dont la fureur, après avoir ravagé les forêts qu’elle rencontre, s’apaise devant un fleuve, il s’arrêta un moment. Bientôt, voyant près de lui la plus riche proie séparée et comme arrachée de l’Italie, son domaine, il brûla d’un tel désir de la posséder, que ne pouvant la joindre, la rendre à son continent ni par une chaussée, ni par des ponts, il eût voulu l’y réunir par la force des armes. Mais il arriva que les destins lui en ouvrirent d’eux-mêmes le chemin, et qu’il n’eut qu’à profiter de l’occasion. Messine, ville de Sicile, alliée des Romains, se plaignit de la tyrannie des Carthaginois. Ainsi que Rome, Carthage convoitait la Sicile ; et, dans le même temps, toutes deux aspiraient, avec une ardeur et des forces égales, à la domination du monde. Rome prit donc les armes sous prétexte de secourir ses alliés, mais en réalité tentée par cette proie ; et, malgré la terreur qu’inspirait la nouveauté de l’entreprise, ce peuple grossier, ce peuple pasteur, et véritablement terrestre, montra (tant la valeur est une source de confiance !) qu’il est indifférent pour le courage de combattre à cheval ou sur des vaisseaux, sur terre ou sur mer (1).

Sous le consulat d’Appius Claudius, il affronta pour la première fois ce détroit tristement célèbre par ses monstres fabuleux, et par l’agitation tumultueuse de ses ondes ; mais, loin d’en être épouvanté, il accueillit comme un bienfait la violence du courant, et fondant tout à coup sur Hiéron, roi de Syracuse, il mit à le battre une telle célérité que ce prince lui-même avouait qu’il avait été vaincu avant d’avoir vu l’ennemi.

Rome osa même, sous les consuls Duillius et Cornélius, combattre sur mer. La rapide création de la flotte destinée à cette bataille fut le présage de la victoire. En effet, soixante jours après qu’on eut porté la hache dans la forêt, une flotte de cent soixante vaisseaux se trouva sur ses ancres : on eût dit qu’ils n’étaient pas l’ouvrage de l’art, mais qu’une faveur des dieux avait changé, métamorphosé les arbres en navires (2). Ce combat offrit un merveilleux spectacle : nos pesants et lourds bâtiments arrêtèrent ceux des ennemis, qui, dans leur agilité, semblaient voler sur les ondes. Les Carthaginois tirèrent peu d’avantage de leur science nautique, de leur habileté à désemparer les vaisseaux, et à esquiver, par la fuite, le choc des éperons ; on jeta sur eux ces mains de fer et ces autres machines, dont ils avaient fait, avant l’action, un fréquent sujet de dérision ; et on les contraignit de combattre comme sur la terre ferme. Ainsi, vainqueurs près des îles de Lipara, les Romains, après avoir coulé à fond et mis en fuite la flotte ennemie, célé-