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C’est pour cette ville, pour ces contrées, que le peuple romain envahit le territoire des Samnites. Veut-on connaître l’opulence de ce peuple ? il prodiguait jusqu’à la recherche l’or et l’argent sur ses armes, et les couleurs sur ses vêtements (72). Sa perfidie ? il combattait en dressant des piéges dans les bois et dans les montagnes ; son acharnement et sa fureur ? c’était par des lois inviolables, et par le sang de victimes humaines, qu’il s’excitait à la ruine de Rome. Son opiniâtreté ? rompant six fois le traité, il ne se montrait que plus animé après ses défaites. Toutefois, il ne fallut que cinquante ans aux Fabius, aux Papirius et à leurs fils, pour le soumettre et le dompter ; on dispersa tellement les ruines mêmes de ces villes, que l’on cherche aujourd’hui le Samnium dans le Samnium, et qu’il est difficile de retrouver le pays qui a fourni la matière de vingt-quatre triomphes (73). Rome n’en reçut pas moins de cette nation un affront célèbre et fameux aux Fourches Caudines, sous les consuls Véturius et Postumius. Enfermée par surprise dans ce défilé, notre armée ne pouvait en sortir ; le général ennemi, Pontius, tout étonné d’une occasion si belle, consulta son père Hérennius, qui lui conseilla sagement « de laisser aller ou de tuer tous les Romains. » Pontius aima mieux les désarmer et les faire passer sous le joug ; ce n’était pas seulement dédaigner leur amitié en retour d’un bienfait, c’était rendre, par un affront, leur inimitié plus terrible. Bientôt les consuls, se livrant d’eux-mêmes par une magnanime résolution, effacent la honte du traité ; le soldat, avide de vengeance, se précipite, sous la conduite de Papirius, les épées nues, spectacle effrayant ! et, pendant la marche même, il prélude au combat par des frémissements de fureur. « Dans l’action, tous les yeux lançaient des flammes, » comme l’ennemi l’attesta ; et l’on ne mit fin an carnage qu’après avoir imposé le même joug aux ennemis et à leur général captif.

XVII. — Guerre contre les Etrusques et les Samnites. — (An de Rome 458.) — Jusque-là le peuple romain n’avait fait la guerre qu’à une seule nation à la fois ; bientôt il les combattit en masse, et sut cependant faire face à toutes. Les douze peuples de l’Étrurie, les Ombriens, le plus ancien peuple de l’Italie, qui avait jusqu’à cette époque échappé à nos armes ; le reste des Samnites se conjurèrent tout à coup pour l’extinction du nom romain. La terreur fut à son comble devant la ligue de tant de nations si puissantes. Les enseignes de quatre armées ennemies flottaient an loin dans l’Étrurie. Entre elles et nous s’étendait la forêt Ciminienne, jusqu’alors impénétrable, comme celles de Calydon[1] ou d’Hercynie[2]. Ce passage était si redouté, que le sénat défendit au consul d’oser s’engager au milieu de tant de périls. Mais rien ne put effrayer le général ; et il envoya son frère en avant pour reconnaître les avenues de la forêt. Celui-ci, sous l’habit d’un berger, observa tout pendant la nuit, et revint annoncer que le passage était sûr. C’est ainsi que Fabius Maximus se tira sans danger d’une guerre si aventureuse. Il surprit tout à coup les ennemis en désordre et dispersés ; et, s’étant emparé des hauteurs, il les foudroya sans effort à ses pieds. Ce fut comme une image de cette guerre où, du haut des cieux et du sein des nuages, la foudre était lancée sur les

  1. Ou de Calédonie, au nord de la Grande-Bretagne, dans le pays qui répond à l’Écosse septentrionale.
  2. V. l. I, c. 11.