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harangues, après la prise de la flotte ennemie ; si toutefois l’on peut appeler flotte six navires armés d’éperons ; mais ce nombre suffisait, dans ces premiers temps, pour une guerre maritime.

Les plus opiniâtres des Latins furent les Éques et les Volsques[1] ; c’étaient, pour ainsi dire, des ennemis de tous les jours. Mais celui qui contribua le plus à les dompter fut Lucius Quinctius, ce dictateur tiré de la charrue, et dont la valeur extraordinaire sauva le consul Marcus Minucius, assiégé et déjà presque pris dans son camp. On était alors dans la saison des semailles ; et le licteur trouva ce patricien courbé sur sa charrue et occupé du labourage. C’est de là que, s’élançant aux combats, Quinctius, pour y conserver quelque image de ses travaux rustiques, traita les vaincus comme un troupeau, en les faisant passer sous le joug (61). L’expédition ainsi terminée, on vit retourner à ses bœufs ce laboureur décoré d’un triomphe (62). Grands dieux ! Quelle rapidité ! Une guerre, en quinze jours, commencée et finie, comme si le dictateur eût voulu se hâter de retourner à ses travaux interrompus.

XII. — Guerre contre les Étrusques, les Falisques et les Fidénates. — (An de R. 274 - 360.) — Les Véiens, peuple de l’Étrurie, nos ennemis perpétuels, armaient chaque année. Tant d’acharnement porta la famille des Fabius à lever contre eux une troupe vraiment extraordinaire, et à soutenir seule les frais de la guerre. Sa défaite ne fut que trop signalée. Trois cents guerriers, armée patricienne, furent taillés en pièces près du Crémère[2] ; et le nom de scélérate désigna la porte qui leur ouvrit, à leur départ, le chemin du combat (63). Mais ce désastre fut expié par d’éclatantes victoires ; et nos divers généraux prirent de très fortes places, avec des circonstances, il est vrai, bien différentes. La soumission des Falisques fut volontaire. Les Fidénates périrent dans les flammes qu’ils avaient allumées ; les Véiens furent pris et entièrement exterminés. Les Falisques, pendant qu’on les tenait assiégés, durent accorder une juste admiration à la loyauté de notre général, lequel, faisant charger de chaînes un maître d’école qui voulait livrer sa patrie, s’empressa de le leur renvoyer avec les enfants qu’il avait amenés. Il savait en effet, cet homme sage et vertueux, qu’il n’y a de véritable victoire que celle qui s’obtient sans violer la bonne foi et sans porter atteinte à l’honneur. Les Fidénates, inférieurs aux Romains dans les combats, crurent les frapper d’épouvante, en s’avançant comme des furieux, armés de torches, et hérissés de bandelettes de diverses couleurs qui s’agitaient en forme de serpents ; mais ce lugubre appareil fut le présage de leur destruction. Quant aux Véiens, un siégé de dix ans indique assez leur puissance. Alors, pour la première fois, on hiverna sous des tentes faites de peaux, et l’on distribua une solde (64) pendant les quartiers d’hiver : le soldat s’était engagé, par un serment, volontaire, « à ne rentrer dans Rome qu’après avoir pris Véies. » Les dépouilles du roi Lars (65) Tolumnius furent portées à Jupiter Férétrien. Enfin, sans escalade et sans assaut, mais par la mine et par des travaux souterrains, fut consommée la ruine de Véies. Le butin parut si considérable que la dixième partie en fut envoyée à Apollon Pythien, et que tout le peuple romain fut convié au pillage de la ville. Voilà ce que

  1. Peuple du Latium.
  2. Qui se jette dans le Tibre.