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Ardée[1], Ocriculum[2], Gabie[3], Suessa Pometia[4]. Alors même il fut cruel envers les siens. Il n'hésita pas à faire battre de verges son fils (50), afin que, passant chez les ennemis comme transfuge, il gagnât leur confiance. Après avoir été reçu dans Gabie, comme Tarquin l'avait désiré, ce jeune homme envoya prendre les ordres de son père, lequel lui répondit en abattant. avec une baguette les têtes des pavots les plus élevés qui se trouvaient là voulant faire entendre par là, ô excès d'orgueil ! qu'il l'allait tuer les premiers de la ville.

Toutefois, il bâtit un temple avec les dépouilles des villes qu'il avait prises. Lorsqu'on l'inaugura, les autres dieux cédèrent leur place ; mais, o prodige ! la Jeunesse et le dieu Terme firent résistance. Les devins interprétèrent favorablement l'opiniâtreté de ces divinités, qui promettaient ainsi à Rome une puissance inébranlable et éternelle. Mais ce qui parut plus étrange encore, c'est qu'en creusant les fondations du temple, on trouva une tête d'homme: personne ne douta qu'un prodige aussi éclatant n'annonçât que Rome serait le siégé de l'empire et la tête de l'univers.

Le peuple romain souffrit l'orgueil du roi, tant que l'incontinence ne s'y joignit pas. Il ne put supporter ce dernier outrage de la part de ses enfants. L'un d'eux ayant déshonoré Lucrèce, la plus illustre des femmes, cette Romaine expia sa honte en se poignardant. Alors fut abrogée la puissance des rois.

VIII. — Résumé sur les sept rois. — Voilà le premier âge du peuple romain , et pour ainsi dire son enfance ; il la passa sous sept rois, dont le génie différent fut, par un heureux arrangement des destins, approprié aux intérêts et aux besoins de la république (51). En effet, quel génie plus ardent que celui de Romulus ? Il fallait un tel homme pour saisir le gouvernement. Quel prince plus religieux que Numa ? le bien de l'état le demandait ainsi, afin qu'un peuple farouche fût adouci par la crainte des dieux. Combien le créateur de l'art militaire, Tullius, n'était-il pas nécessaire à des hommes belliqueux ? La science devait perfectionner leur courage. De quelle utilité ne fut pas, dans Ancus, le goût des constructions ? Il donna à la ville une colonie pour son agrandissement, un pont pour la facilité des communications, un mur pour sa défense. Quant aux ornements et aux insignes de Tarquin , combien leur usage seul n'a-t-il pas ajouté à la dignité du peuple roi ? Le cens établi par Servius n'eut-il pas pour effet d'apprendre à la république à se connaître elle-même ? Enfin l'intolérable domination de Turquin le Superbe, loin d'avoir été sans résultat, en fut au contraire un très avantageux ; elle fit que le peuple, soulevé par les outrages, s'enflamma d'amour pour la liberté.

IX. — Du changement du gouvernement. — (An de Rome 244.) — Ainsi, sous la conduite, et par les conseils de Brutus et de Collatin, à qui Lucrèce, en mourant, avait confié le soin de sa vengeance, le peuple romain, excité, comme par une inspiration des dieux, à punir l'outrage fait à la liberté et à la pudeur, déposa aussitôt le roi, pilla ses biens (52), consacra son domaine à Mars, protecteur de Rome, et transféra aux vengeurs de sa

  1. Capitale des Rutules, dans le Latium.
  2. Aujourd’hui Otrech, dans l'Ombert.
  3. Ville des Latins, sur la route à douze mille cinq cent pas de Rome.
  4. Ville du Latium, dans le pays des Volsques.