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subtilité grecque à la souplesse italienne. Il rehaussa la majesté du sénat en multipliant ses membres, et, par de nouvelles centuries, il étendit les tribus dont Attius Navius, savant augure, lui défendait d’augmenter le nombre (43). Le roi, pour l’éprouver, lui demande « si la chose à laquelle il pensait en ce moment pouvait s’exécuter. » Navius, ayant consulté son art, répond qu’elle est possible. « Eh bien ! dit le roi, je songeais en moi-même si je pourrais couper ce caillou avec un rasoir. » — « Vous le pouvez, repartit l’augure ; » il le coupa en effet[1]. Depuis ce temps, la dignité d’augure fut sacrée pour les Romains (44).

Tarquin ne fut pas moins entreprenant dans la guerre que dans la paix. Il subjugua les douze peuples de l’Étrurie dans de nombreux combats. De là nous sont venus les faisceaux, les toges des souverains magistrats, les chaises curules, les anneaux, les colliers des chevaliers, les manteaux militaires, la robe prétexte ; de là aussi le char doré des triomphateurs, trainé par quatre chevaux, les robes peintes, les tuniques à palmes ; enfin tous les ornements et les insignes qui relèvent la dignité de l’empire (45).

VI. — De Servius Tullius. — (An de Rome 175.) — Servius Tullius se saisit ensuite du gouvernement de Rome, malgré l’obscurité de sa naissance, et quoiqu’il fût né d’une mère esclave[2]. Tanaquil, epouse de Tarquin, avait cultivé, par une éducation libérale, l’heureux naturel de ce jeune homme ; une flamme, qu’elle avait vue autour de sa tête, lui avait présagé son illustration future[3]. Dans les derniers moments de Tarquin, Servius fut, par les soins de la reine, mis à la place du roi, comme à titre provisoire ; et il gouverna avec tant d’habileté un royaume acquis par la ruse, qu’il parut l’avoir légitimement obtenu. Ce fut par lui que le peuple romain fut soumis au cens, rangé par classes, distribué en curies et en colléges (46). Ce roi établit, par la supériorité de sa sagesse, un tel ordre dans la république ; que tous les détails sur le patrimoine, la dignité, l’âge, les professions et les emplois de chacun étaient portés sur des tables ; de cette manière, cette grande cité fut réglée avec autant d’exactitude que la maison du moindre particulier (47).

VII. — Tarquin-le-Superbe. — (An de Rome 220.) — Le dernier de tous les rois fut Tarquin, à qui son caractère fit donner le surnom de Superbe. Le trône de son aïeul était occupé par Servius ; il aima mieux le ravir que l’attendre : après avoir fait assassiner ce roi, il n’exerça pas mieux qu’il ne l’avait acquise une puissance obtenue par le crime. Sa femme Tullie ne répugnait pas à ses sanguinaires habitudes : comme elle accourait, dans son char, saluer roi son époux, elle fit passer sur le corps sanglant de son père ses chevaux épouvantés (48).

Quant à Tarquin, il décima le sénat par des meurtres (49), accabla tous les Romains d’un orgueil plus insupportable aux gens de bien que la cruauté ; et quand il eut lassé sa fureur par des violences domestiques, il la tourna enfin contre les ennemis. Ainsi furent prises dans le Latium de fortes places,

  1. Val. Max. l. I. c. 4. § 1.
  2. De là le nom de Servius, suivant Den. d’Halyc. l. IV. c. 1.
  3. Val. Max. l. I. c. 6. § 1.