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leva de vive force. On feignit, dans ce dessein, de célébrer des jeux équestres : les jeunes filles, qui étaient venues à ce spectacle, devinrent la proie des Romains, et en même temps une cause de guerre. Les Véiens furent battus (23) et mis en fuite. On prit et on ruina la ville des Céniniens[1]. De plus, les dépouilles opimes de leur roi[2] furent rapportées à Jupiter Férétrien (24) par les mains du roi de Rome. Une jeune fille[3] livra les portes de la ville aux Sabins : ce n’était pas par trahison ; seulement, elle leur avait demandé, pour prix de son action, ce qu’ils portaient à leur bras gauche, sans désigner leurs boucliers ou leurs bracelets (25), Les Sabins, pour dégager leur parole et punir en même temps sa perfidie, l’accablèrent sous leurs boucliers. Quand, par ce moyen, ils eurent été introduits dans les murs, il se livra, sur la place publique, un combat si sanglant que Romulus pria Jupiter « d’arrêter la fuite honteuse des siens. » De là, le temple et le nom de Jupiter Stator (26). Enfin, les femmes enlevées se précipitèrent entre les combattants en fureur, les cheveux épars. La paix fut faite alors avec Tatius, et l’alliance conclue : par un retour surprenant, les ennemis, abandonnant leurs foyers, passèrent dans la nouvelle ville (27), et apportèrent, pour dot, à leurs gendres, les richesses de leurs aïeux.

Rome, ayant en peu de temps accru ses forces, voici la forme que le roi, dans sa haute sagesse, imposa à la république. La jeunesse, divisée par tribus (28), était toujours à cheval (29) et sous les armes, prête à combattre au premier signal ; le conseil de la république fut confié aux vieillards, que leur autorité fit appeler Pères, et leur âge Sénateurs (30).

Cet ordre établi, un jour que Romulus tenait une assemblée hors de la ville, près du marais de Capréa, tout à coup il disparut à tous les regards. Quelques-uns pensent qu’il fut, à cause de l’àpreté de son caractère, mis en pièces par le sénat, mais un orage qui s’éleva et une éclipse de soleil donnèrent à cet événement l’apparence d’une apothéose. Julius Proculus accrédita bientôt cette idée, en affirmant que Romulus s’était fait voir à lui sous une forme plus auguste que pendant sa vie ; qu’il voulait qu’on l’honorât désormais comme une divinité ; que, dans le ciel, il s’appelait Quirinus, les dieux l’ayant ainsi arrêté ; qu’à ce prix., Rome deviendrait la maîtresse des nations.

II. — De Numa Pompilius. — (An de Rome 39.) — À Romulus succéda Numa Pompilius, qui vivait à Cures[4], chez les Sabins. où les Romains allèrent d’eux-mêmes le chercher, sur la réputation de son insigne piété. Ce fut lui qui leur enseigna les sacrifices, les cérémonies, et tout le culte des dieux immortels ; qui établit les pontifes, les augures, les saliens (31) et les autres sacerdoces du peuple romain ; qui divisa l’année en douze mois (32), et les jours en fastes et néfastes (33) ; lui enfin qui institua les boucliers sacrés, le Palladium (34), quelques autres gages mystérieux de l’empire, le Janus au double visage, et surtout le feu de Vesta, dont il commit l’entretien à des vierges, afin qu’à l’image des astres du ciel, cette flamme tutélaire ne cessât de veiller. Il attribua

  1. Peuple du pays des Sabins, et tout près de Rome, mais dont on ignore la situation.
  2. Appelé Acréon par Tite-Live.
  3. Tarpeia, fille du gouverneur de la citadelle.
  4. Ville située près de l’endroit où est aujourd’hui Corrèze, dans la Sabime, états du pape.