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NOTICE

SUR

L. ANNÆUS FLORUS.


Quelle fut la patrie de Florus ? A quelle époque vécut-il ? Doit-on même appeler Florus l’auteur de l’Epitome de l’histoire romaine ? Ces questions, que la critique a longtemps agitées, pourraient l’être encore comme au premier jour, les plus savantes dissertations n’ayant pas suffi pour les résoudre. Des nombreux commentateurs qui ont pris part à cette discussion, les uns ont réclamé cet écrivain pour la Gaule, les autres pour l’Espagne, un seul pour l’Italie. Leurs assertions, du reste, reposent, à défaut de documents, sur des conjectures assez vagues ou sur des interprétations très-arbitraires. Ceux qui le prétendent Espagnol, tirant du caractère même de son style leur principal argument, font remarquer, pour preuve de cette origine, son affectation, son emphase, sa pompe exagérée, défauts communs aux écrivains qu’avait déjà produits l’Espagne, aux deux Sénèque et à Lucain. Ils font valoir aussi la prédilection avec laquelle il parle de ce pays dans plusieurs endroits de son ouvrage, et enfin son surnom d’Annæus, porté par une branche de la famille des Sénèque.

On s’accorde moins encore sur le temps où vivait Florus, et la moindre différence à cet égard est d’un siècle. Un savant moderne, M. Titze, répétant l’assertion de La Harpce qui, sans la discuter, l’avait avancée sur la foi de quelques commentateurs, a cherché à prouver que notre historien était contemporain d’Auguste, et le même que le Julius Florus à qui Horace adressa deux épîtres. Comme pour mieux se rassurer à cet égard, il a pris à tâche d’affaiblir partout, dans Florus, la hardiesse accoutumée de ses expressions, hardiesse qui est le cachet de son style, et qui trahit d’ailleurs l’écrivain du second âge de la littérature romaine. Un système qui oblige son auteur à recourir à de pareils moyens ne semble guère soutenable, outre qu’il faut, tout d’abord, regarder comme entièrement supposé tout ce passage du prologue : « Depuis César Auguste jusqu’à nos jours, dit Florus, on ne compte pas beaucoup moins de deux cents ans, pendant lesquels l’inertie des Césars a, en quelque sorte, fait vieillir et décroître l’empire ; mais, sous le règne de Trajan, il retrouve ses forces (movet lacertos) ; et, contre toute espérance, il est comme rendu à sa jeunesse ; il prend une vigueur nouvelle (revirescit). » Or, aucun manuscrit n’autorise de changement important dans cette phrase, et, à plus forte raison, la suppression qu’on en a faite.

Ce passage devait être et fut en effet le plus concluant en faveur de l’opinion, communément adoptée, qui fait vivre Florus sous Trajan et sous Adrien. « L’éloge d’un prince en tète d’un ouvrage, a dit M. Villemain, est généralement une date assez sûre. » Mais comme cette supposition, toute vraisemblable qu’elle est, se trouve contredite par le nombre de près de deux cents ans que compte Florus depuis Auguste jusqu’à l’époque où il écrit, ceux-là même qui invoquent l’autorité de ce passage veulent qu’à ce chiffre on substitue celui de cent cinquante ; modification que pourraient au moins excuser les nombreuses inexactitudes chronologiques de notre auteur, qui, dans ce prologue même, en a commis d’assez fortes.

Enfin, comme pour éterniser le doute et la discussion, des commentateurs ont fait de Florus un écrivain postérieur d’un demi-siècle à Trajan ; ils ont conservé en conséquence le chiffre de deux cents