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d’une bataille une armée presque toute composée de nouvelles levées. Cette lettre avait beaucoup affermi les habitants de cette ville dans son parti, et cette considération faisait qu’il croyait tout possible. Il était d’ailleurs défendu par la nature du lieu où il était campé, et par les fortifications de la place ; car, comme on l’a dit, toute cette contrée est fort montueuse, et par là excellente pour la défense. Aucune plaine ne sépare les hauteurs.

XXIX. Je ne dois point passer sous silence ce qui arriva alors. Entre les deux camps se trouvait une plaine d’environ cinq mille pas ; de sorte que le camp de Pompée était à la fois défendu par la nature du terrain et par la position élevée de la ville. Du pied de ce camp, la plaine commençait à s’étendre, et elle était d’abord traversée par un ruisseau qui rendait l’accès du camp fort difficile, en ce qu’il formait sur la droite un marais plein de fondrières. César voyant l’ennemi en bataille, ne douta pas qu’il ne s’avançât jusqu’au milieu de la plaine pour en venir aux mains ; et chacun le pensait également. De plus, la plaine offrait un vaste espace aux manœuvres de la cavalerie ; le ciel était pur et serein ; il semblait que les dieux immortels eussent fait cette journée tout exprès pour une bataille. Les nôtres se réjouissaient ; quelques-uns cependant étaient inquiets en songeant qu’ils en étaient venus au point qu’au bout d’une heure le hasard aurait décidé de leur fortune et de leur vie. Nos troupes marchèrent donc au combat pensant que l’ennemi ferait de même ; mais il n’osa jamais s’éloigner à plus d’un mille des remparts de la ville sous lesquels il aurait voulu combattre. Les nôtres marchèrent encore en avant ; mais quoique l’avantage du terrain semblât inviter l’ennemi à s’avancer pour se saisir de la victoire, il persista constamment dans sa résolution de ne pas s’éloigner des hauteurs ni des murs de la ville. Nos soldats poussèrent d’un pas ferme jusqu’au ruisseau : l’ennemi s’obstina à rester dans son poste, où nous ne pouvions l’aller chercher.

XXX. L’armée de Pompée était composée de treize légions couvertes sur les ailes par la cavalerie, et par six mille hommes d’infanterie légère. Les troupes auxiliaires montaient à peu près au même nombre. Nous n’avions que quatre-vingts cohortes et huit mille chevaux. Ainsi, une fois parvenus à l’extrémité de la plaine, il eût été dangereux de se porter plus avant, l’ennemi, qui, avait l’avantage du terrain, se tenant prêt à nous charger d’en haut. César s’en étant aperçu ne voulut pas exposer légèrement ses troupes, et leur commanda de s’arrêter. Quand elles entendirent cet ordre, elles en furent affligées et dépitées, comme si leur général les eût privées par là de la victoire. Ce retardement enhardit l’ennemi ; il crut que les troupes de César craignaient d’en venir aux mains avec lui. S’avançant donc fièrement, il s’engagea dans un mauvais terrain dont l’approche ne laissait pas que d’avoir pour nous aussi des dangers. La dixième légion était à l’aile droite, comme de coutume ; la troisième et la cinquième