Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/518

Cette page n’a pas encore été corrigée

mais lui-même arracha cruellement les bandes de ses propres mains et se fit mourir en conservant toute sa présence d’esprit. Les habitants d’Utique lui rendirent les honneurs funèbres : ils le détestaient à cause du parti qu’il avait embrassé ; mais ils agirent ainsi en considération de son extrême probité qui le rendait si différent des autres chefs, et parce qu’ils lui devaient les fortifications magnifiques de leur ville, et les tours qu’il y avait ajoutées. Après sa mort, L. César voulant tirer avantage de cet accident, assembla le peuple, le harangua, et l’exhorta à ouvrir ses portes à César, l’assurant qu’il espérait tout de sa clémence. En conséquence les portes furent ouvertes, et lui-même sortit d’Utique et alla au devant de César. Messala, conformément à l’ordre qu’il avait reçu, arriva en ce moment même et mit des gardes à toutes les portes.

LXXXIX. Cependant César qui était parti de Thapsus, arriva à Uzitta où Scipion avait un fort approvisionnement de blé, d’armes, et d’autres choses pour la guerre. Il n’y avait qu’une faible garnison. Aussi s’en rendit-il maître dès l’abord : ensuite il marcha sur Hadrumète. Il y entra sans opposition, et, s’étant fait donner un état de l’argent, des vivres et des armes, il fit grâce de la vie à Q. Ligarius (12) et à C. Considius, le fils, qui se trouvaient alors dans cette ville ; il y laissa Livinéius Régulus avec une légion, partit le même jour et marcha droit à Utique. En chemin, il rencontra L. César, qui d’abord se jeta à ses pieds et lui demanda la vie pour toute grâce. César, naturellement porté à la clémence, la lui accorda sans peine, selon sa coutume, ainsi qu’à Cécina, à C. Atéius, à P. Atrius, à L. Ocella père et fils, à M. Eppius, à M. Aquinius, au fils de Caton et aux enfants de Damasippus. Il arriva à Utique le soir aux flambeaux et passa la nuit hors de la ville.

XC. Le lendemain matin il entra dans la ville, convoqua les habitants, les loua et les remercia de leur affection pour lui ; mais pour les citoyens romains et les trois cents qui avaient fourni de l’argent à Varus et à Scipion, il les censura avec sévérité et s’étendit longuement sur l’énormité de leur crime. Toutefois, en finissant, il leur annonça qu’ils pouvaient se montrer sans crainte. « Il consent à leur accorder la vie. Mais il fera vendre leurs biens. Seulement ils pourront les racheter en payant par forme d’amende, et pour leur grâce, la somme qui serait provenue de la vente. » Ceux-ci, qui jusqu’alors, glacés de frayeur, désespéraient d’échapper à la mort qu’ils avaient méritée, voyant à quel prix on leur offrait la vie, acceptèrent la condition sans balancer et avec joie, et prièrent César d’imposer lui-même une somme sur tous les trois cents solidairement. En conséquence, César les taxa à deux millions de sesterces qu’ils paieraient au peuple romain en trois années et en six paiements. Bien loin de refuser, tous le remercièrent, disant que ce jour-là César leur avait donné une seconde existence.

XCI. Cependant le roi Juba, qui s’était sauvé du