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frapper de toutes ses forces avec son épée la trompe dont il est enveloppé, jusqu’à ce que l’animal, vaincu par la douleur, lâche prise, et s’enfuie en poussant de grands cris vers les autres éléphants.

LXXXV. Cependant les soldats qui étaient en garnison à Thapsus firent une sortie du côté de la mer, soit pour secourir les leurs, soit pour abandonner la ville et chercher leur salut dans la fuite. Ils entrèrent dans l’eau jusqu’à la ceinture, et tâchèrent ainsi de gagner la terre. Mais les valets de l’armée et les esclaves qui étaient dans le camp les repoussèrent en leur lançant des pierres et des traits, et les forcèrent à rentrer dans la place. Les troupes de Scipion, ayant été mises en déroute, et fuyant de tous côtés dans la plaine, nos légions les poursuivirent sans leur donner le temps de se reformer. Arrivées à leur dernier camp, où elles s’étaient réfugiées avec l’espoir de pouvoir encore s’y retrancher et s’y défendre, elles cherchèrent un chef qui pût les commander et les conduire. N’y voyant personne, elles jetèrent leurs armes et s’enfuirent au camp du roi. Mais en y arrivant, elles le trouvèrent déjà occupé par les troupes de César. Désespérant alors de se sauver, elles s’arrêtèrent sur une hauteur, mirent bas les armes, et firent le salut d’usage dans la guerre. Mais cette soumission ne servit pas beaucoup à ces malheureux ; car nos vétérans, transportés de fureur et de rage, non seulement ne purent d’aucune façon se résoudre à leur pardonner ; mais ils tuèrent même ou blessèrent plusieurs personnages considérables qu’ils accusaient de favoriser les ennemis. De ce nombre fut Tullius Rufus, ancien questeur, qui mourut percé d’un javelot par un soldat ; et Pompéius Rufus, qui, déjà blessé au bras d’un coup d’épée, n’échappa à la mort qu’en courant se réfugier auprès de César. Effrayés de ces actes, plusieurs sénateurs et plusieurs chevaliers romains s’empressèrent de se retirer pour n’être pas les victimes des soldats qui, après une si grande victoire, se croyaient tout permis, et s’imaginaient que leurs exploits leur assuraient l’impunité. Aussi les soldats de Scipion, quoiqu’ils implorassent la clémence de César, et que César lui-même demandât grâce pour eux, furent tous massacrés en sa présence jusqu’au dernier.

LXXXVI. César, maître des trois camps des ennemis, après leur avoir tué dix mille hommes et mis le reste en fuite, se retira dans ses retranchements, avec une perte de cinquante hommes et quelques blessés ; de là il vint se présenter devant Thapsus, en faisant marcher à la tête des troupes soixante-quatre éléphants armés en guerre et chargés de tours, qu’il avait pris sur les ennemis, pour voir si ces preuves de leur défaite ne rendraient pas Vergilius et les siens plus dociles. Ensuite il appela lui-même Vergilius, et l’engagea à se rendre, en lui faisant tout espérer de sa douceur et de sa clémence. Ne recevant aucune réponse, il s’éloigna de la ville. Le lendemain, après les sacrifices, il assembla les soldats à la vue des