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à la gauche, et cinq légions au centre. Il plaça, en quatrième ligne, à la tête de ses deux ailes, cinq cohortes qu’il opposa aux éléphants, distribua sur les mêmes points ses archers et ses frondeurs, et entremêla sa cavalerie d’infanterie armée à la légère. Après cela, il parcourut à pied tous les rangs, rappelant aux vétérans leurs anciens combats et leurs exploits et les appelant avec bonté par leur nom ; par là, il excitait les courages. Quant aux troupes de nouvelles levées, dont c’était la première bataille, il les exhortait à rivaliser de valeur avec les vétérans, et à obtenir, par la victoire, la même renommée et les mêmes honneurs.

LXXXII. Tandis qu’il parcourait ainsi son armée, il aperçut dans le camp ennemi des mouvements qui marquaient de la terreur : les soldats, éperdus, allaient çà et là, tantôt rentrant par les portes, tantôt sortant en tumulte. Comme plusieurs avaient observé la même chose, les lieutenants et les volontaires le conjurèrent de ne pas balancer à donner le signal, l’assurant que les dieux immortels lui présageaient ainsi la victoire. Tandis que César hésitait, qu’il résistait à leurs désirs, en leur déclarant que cette façon d’attaquer ne lui plaisait pas, et qu’il s’efforçait de tout son pouvoir de les contenir, tout à coup, à l’aile droite, sans attendre son ordre, un trompette, forcé par les soldats, sonne la charge. Aussitôt toutes les cohortes s’ébranlèrent et marchèrent à l’ennemi, malgré les centurions qui tâchaient vainement de retenir les soldats de force, en les conjurant de ne pas engager le combat sans l’ordre du général.

LXXXIII. Alors César, voyant qu’il n’y avait aucun moyen d’arrêter l’élan des soldats, donna pour mot d’ordre le mot bonheur, poussa son cheval, et marcha contre l’ennemi à la tête des légions. Cependant, à l’aile droite, les frondeurs et les archers accablent les éléphants d’une grêle de traits ; ces animaux, effrayés du sifflement des frondes et des pierres, se retournent contre leurs propres gens qui se pressent derrière eux, les écrasent sous leurs pieds, et se précipitent en foule vers les portes du camp non encore achevées. Les cavaliers maures, placés à la même aile que les éléphants, se voyant abandonnés par ces auxiliaires, prennent les premiers la fuite. Après avoir promptement cerné ces animaux, nos légions enlevèrent les retranchements des ennemis : quelques-uns furent tués en se défendant avec courage ; les autres se sauvèrent en désordre vers le camp qu’ils avaient quitté la veille.

LXXXIV. Je ne dois pas, ce me semble, oublier ici l’action courageuse d’un vétéran de la cinquième légion. À l’aile gauche, un éléphant blessé, et que le mal rendait furieux, s’était jeté sur un valet d’armée, l’avait mis sous son pied, le pressait de son genou, et, tenant sa trompe haute en mugissant, il écrasait ce malheureux du poids de sa masse. Le soldat ne put soutenir ce spectacle, et marcha sur la bête ses armes à la main. Alors l’éléphant, le voyant venir le javelot levé, quitte le cadavre, et, enveloppant le soldat de sa trompe, l’enlève tout armé. Mais le vétéran, conservant son sang-froid dans cet étrange péril, ne cesse de