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lités dans la paix, et que vous vous êtes plus appliqués à soulever les troupes contre votre général qu’à remplir votre devoir avec honneur et modestie, je vous juge indignes d’avoir un commandement dans mon armée ; je vous congédie, et vous ordonne de quitter l’Afrique au plus tôt. » En conséquence César les livra à des centurions, et les fit embarquer chacun séparément et avec un seul esclave.

LV. Cependant les Gétules transfuges que César, comme nous l’avons dit, avait envoyés vers leurs concitoyens avec des lettres et des instructions, arrivent dans leur pays : leurs compatriotes, aisément entraînés par leur autorité et par le nom de César, abandonnent le parti de Juba, prennent aussitôt les armes, et, sans balancer, les tournent contre le roi. À cette nouvelle, Juba se voyant par là engagé dans trois guerres, est forcé de tirer de l’armée qu’il avait amenée contre César six cohortes qu’il envoie protéger ses frontières contre les Gétules.

LVI. César ayant achevé ses deux lignes et les ayant poussées jusqu’à la ville, mais hors de la portée du trait, fortifie son camp. Il disposa sur tout le front, du côté de la place, un grand nombre de balistes et de scorpions, avec lesquels il ne cessait de harceler ceux qui défendaient les remparts, et y amena cinq légions tirées de l’ancien camp. Grâce à ce rapprochement, les hommes les plus distingués et les plus connus du parti contraire pouvaient voir ceux de leurs amis et de leurs proches qui étaient dans le nôtre, et ils avaient ensemble des pourparlers. César n’ignorait pas combien ces entrevues pouvaient lui être avantageuses. En effet, les Gétules de la cavalerie du roi, et des préfets de cavalerie, dont les pères avaient servi sous Marius, et obtenu en récompense des terres dans le pays, et qui, après la victoire de Sylla, avaient passé sous la domination du roi Hiempsal, prirent le temps de la nuit, lorsque déjà les feux étaient allumés, pour se rendre avec leurs chevaux et leurs valets, au nombre de mille environ, au camp que César avait établi près d’Uzitta.

LVII. Scipion et les autres chefs de son parti, informés de cette désertion, en étaient encore tout troublés, lorsque dans le même temps à peu près ils virent M. Aquinius s’entretenant avec C. Saserna. Scipion envoya dire à Aquinius qu’il ne convenait pas qu’il fût en conférence avec les ennemis. Comme, malgré cet avertissement, celui-ci avait répondu qu’il voulait achever ce qu’il avait à dire, Juba lui envoya un de ses courriers, lequel lui dit en présence de Saserna : « Le roi te défend de continuer. » À ces mots, effrayé, il se retira et obéit au roi. Est-il donc possible qu’un citoyen qui avait reçu du peuple romain tant d’honneurs, n’ayant d’ailleurs à craindre ni pour sa liberté ni pour ses biens, ait mieux aimé obéir à un roi barbare, que de se rendre aux ordres de Scipion, ou de revenir libre dans sa patrie après la ruine de ceux de son parti ? Au reste,