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les plus périlleuses, qu’à les animer au combat.

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(1) Les Alexandrins voyant que les Romains ne se laissaient pas amollir par le succès, et que les revers ne servaient qu’à les exciter ; n’espérant pas retrouver une occasion plus favorable que les deux précédentes ; agissant, à ce qu’il est permis de supposer, soit d’après le conseil des partisans du roi qui étaient auprès de César, soit d’après leur propre pensée qu’ils avaient communiquée au roi par des envoyés secrets et qui avait obtenu son approbation, députèrent vers César pour lui demander de laisser aller leur roi et de le rendre à ses sujets : (2) ajoutant que toute la nation, fatiguée du gouvernement d’une jeune fille qui n’avait qu’une autorité précaire, et de la cruelle domination de Ganymède, était disposée à se soumettre aux ordres du roi ; et que s’il leur conseillait de donner à César leur foi et leur dévouement, aucune crainte ne serait capable de les empêcher de se rendre à lui.

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(1) César ne connaissait que trop cette nation perfide, toujours habile à feindre les sentiments qu’elle n’a pas ; cependant il jugea à propos de céder à leur demande, persuadé que s’ils pensaient véritablement ce qu’ils disaient, le prince, après son départ, demeurerait fidèle ; ou que si, comme cela était plus conforme à leur naturel, ils ne voulaient un roi que pour en faire leur chef dans cette guerre, il y aurait pour lui plus de gloire et d’honneur à avoir affaire à un roi qu’à un ramas d’aventuriers et d’esclaves. (2) Ainsi, après avoir exhorté ce jeune prince à bien ménager le royaume de ses pères ; à sauver sa belle patrie que ravageaient le fer et la flamme ; à ramener ses sujets à la raison et à les maintenir dans de sages sentiments ; enfin à rester fidèle au peuple romain et à César qui avait en lui une telle confiance qu il le rendait à ses ennemis armés : tenant dans sa main la main du jeune roi qui était déjà grand, il voulut prendre congé de lui. (3) Mais le roi, savant dans l’art de feindre, pour ne pas dégénérer du caractère de sa nation, commença par prier César, en pleurant, de ne pas le renvoyer : "Il lui serait moins doux, disait-il, de régner que de jouir de la présence de César." (4) Après avoir essuyé les larmes du jeune homme, César, ému lui-même, l’assura que s’il était sincère, ils seraient bientôt réunis, et le renvoya vers les siens. (5) Mais ce prince, comme échappé de prison, dès qu’il fut en liberté, se mit à faire à César une guerre furieuse, de telle sorte qu’on pouvait croire que les larmes qu’il avait versées dans cette entrevue étaient des larmes de joie. (6) Plusieurs, parmi les lieutenants, les amis, les centurions et les soldats de César, n’étaient pas fâchés de ce qui arrivait, prétendant qu’avec son excessive bonté il avait été la dupe d’un enfant ; comme si dans cette occasion César eût agi par pure bonté et non dans des vues pleines de prudence.

Engagement naval à Canope. Mort d’Euphranor

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(1) Les Alexandrins s’étaient aperçus qu’en se donnant un chef, ils n’en étaient pas devenus plus forts ni les Romains plus faibles. Ils virent avec un vif chagrin que les troupes méprisaient la jeunesse et l’incapacité de leur roi, et que tous leurs desseins échouaient. Le bruit s’étant répandu que l’on amenait à César de grands secours de Syrie et de Cilicie (ce dont César lui-même