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excuse d’avoir inventé diverses choses pour l’embellissement de son histoire. C’est le seul homme qui lui ait jamais objecté de s’être écarté de la vérité. Mais comme il fait le même reproche à Tite-Live, à Tacite, à Trogue Pompée, et en général à tous les historiens, sans citer les exemples, on ne doit faire aucun cas du sentiment de cet écrivain, d’ailleurs fort peu capable de juger ses maîtres. Il faut convenir néanmoins que Salluste a été quelquefois mal informé sur quelques points de géographie, encore mal éclaircis de son temps. Enfin, parmi les modernes, Grutter voudrait qu’on eût supprimé beaucoup de digressions, et il est vrai qu’il y en a plusieurs, surtout des digressions géographiques, dans son histoire, mais je me suis déjà expliqué sur ce point. Le même Grutter y trouve encore, malgré le sentiment de Sénèque, plusieurs mots à retrancher à chaque phrase sans que le sens en souffrit, et Jules Scaliger, qui n’aimait pas toujours à penser comme un autre, s’est avisé de lui donner le titre du plus nombreux de tous les écrivains. Voyons si ce qu’il en dit est propre à faire adopter une telle épithète : « Pour moi, dit-il, je ne comprends pas ce qu’on veut dire par cette brièveté qu’on ne cesse de vanter dans Salluste. Je me suis toujours inutilement travaillé l’esprit, pour l’y trouver. Car, s’il semble avancer rapidement parce qu’il n’use pas de longues périodes, et que les ponctuations se trouvent chez lui à chaque ligne, il faudra donc dire aussi qu’un homme qui a fait cent milles de chemin par sauts interrompus, ne fait pas le même » trajet que celui qui parcourt le même espace d’une seule marche. Je trouve au contraire que Salluste, lorsqu’il a entrepris de dire quelque chose, s’y arrête, appuie fortement, etc., etc. » Ces dernières paroles sont plus judicieuses que les précédentes. En effet, Salluste aime à insister, surtout lorsqu’il s’agit de réflexions, et peut être trop à les répéter d’un endroit à un autre. Peut-être aussi les gens qui auront fait une lecture appliquée de ses ouvrages ne rejetteront-ils pas tout à fait l’opinion de Grutter, puisque souvent les phrases de cet auteur ne sont pas exemples de termes épisodiques, et que ses idées sont plus précises encore que ses discours. Mais aussi rien n’est si serré que sa pensée et que la tournure générale de son style. Ainsi, quoique le principal devoir d’un traducteur soit de représenter fidèlement le caractère de son original, il est dans le cas, si on ne lui trouve plus la même précision, d’espérer quelque indulgence de la part du lecteur, qui sait qu’on n’aurait pu la suivre dans une langue d’un génie si différent du latin, sans tomber dans une extrême sécheresse.

Les ouvrages de Salluste furent traduits en grec par le sophiste Zénobius, sous le règne d’Adrien, qui avait une prédilection marquée pour notre historien. Mais cet empereur, qui avec beaucoup d’esprit avait le goût extrêmement faux, l’estimait par ce qu’il a peut-être de plus blâmable, c’est-à-dire par son affectation à employer les vieux mots. C’est ainsi que le même Adrien préférait Enuius à Virgile. Plusieurs anciens grammairiens ont fait des notes grammaticales sur cet écrivain célèbre…… Ils nous ont conservé lui très-grand nombre de phrases plus ou moins courtes de sa grande histoire perdue. Arusianius Messus l’a seul admis comme prosateur avec Cicéron, et Térence et Virgile comme poètes, dans son quadrille, où il donne les exemples du beau langage…… Je ne puis omettre, à la gloire de Salluste, que la reine Elisabeth lui a fait l’honneur de le traduire en anglais……