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de la cité, lever leurs mains au ciel du haut des murailles, ou courir aux temples des dieux, et, prosternés devant leurs images, leur demander la victoire : (4) car personne, parmi eux ne doutait que ce jour-là ne dût décider de leur sort. (5) Les jeunes gens les plus distingués et les personnages les plus considérables, sans distinction d’âge, avaient été sommés et conjurés chacun nommément de monter sur les vaisseaux. Ainsi, en cas de revers, ils se trouvaient sans ressources ; vainqueurs, ils comptaient sauver la ville tant par leurs propres forces que par les secours qui leur viendraient du dehors.

(1) Le combat engagé, les Marseillais déployèrent la plus grande valeur. Le souvenir des exhortations qu’ils venaient d’entendre les animaient tellement au combat qu’à les voir on les eût crus persuadés qu’ils n’avaient plus que ce moment pour leur défense, et que ceux qui périraient dans l’action ne précéderaient que de peu d’instants le reste de leurs concitoyens qui devaient subir le même sort, si la ville était prise. (2) Nos vaisseaux s’étant peu à peu séparés, l’ennemi put mettre à profit l’habileté de ses pilotes et l’agilité de ses navires ; si parfois nous trouvions le moyen d’en saisir un avec les mains de fer, tous les autres accouraient à son secours. (3) Réunis aux Albiques, ils se battaient de près volontiers et ne le cédaient pas de beaucoup aux nôtres en valeur ; en même temps, de leurs moindres vaisseaux ils nous lançaient sans cesse une grêle de traits par lesquels nos soldats inattentifs ou occupés ailleurs, étaient surpris et blessés. (4) Deux de leurs trirèmes, apercevant celle que montait D. Brutus, qu’il était aisé de reconnaître à son pavillon, s’élancèrent de deux côtés sur elle ; mais les ayant remarquées, Brutus fit marcher son vaisseau avec tant de rapidité qu’en un clin d’œil il eut pris les devants. (5) Ces deux galères se heurtèrent si violemment qu’elles en furent très endommagées ; l’une d’elles brisa son éperon et fut toute fracassée. Alors quelques vaisseaux de la flotte de Brutus, qui n’étaient pas loin de là, s’apercevant de leur désastre, courent sur elles et les ont bientôt coulées à fond.

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(1) Quant aux vaisseaux de Nasidius, ils ne furent d’aucun secours et ne tardèrent pas à se retirer du combat. Ni la vue de la patrie, ni les instances de leurs proches n’animaient ces hommes à braver le péril et la mort ; (2) aussi aucun de leurs vaisseaux ne périt. Pour les Marseillais, ils eurent cinq galères coulées à fond ; quatre furent prises ; une s’enfuit avec les vaisseaux de Nasidius et gagna avec eux l’Espagne citérieure. (3) Une de celles qui restaient aux vaincus fut dépêchée à Marseille pour y porter la nouvelle du désastre. Comme elle approchait de la ville, les habitants se précipitèrent en foule à sa rencontre pour savoir ce qui s’était passé : quand ils surent l’événement, ils furent saisis d’une telle douleur qu’on eût dit que la ville était déjà prise. Toutefois les Marseillais n’en mirent pas moins d’ardeur à tout préparer pour la défense.

Construction d’une tour

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(1) Les légionnaires, qui travaillaient aux ouvrages de la droite, remarquèrent qu’une tour