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troupes. Il rappelle les injures dont ses ennemis l’ont accablé dans tous les temps, et se plaint que les efforts d’une malignité envieuse lui aient à ce point aliéné Pompée dont il a toujours favorisé, secondé le crédit et la puissance. (2) Il se plaint que par une nouveauté, jusqu’alors sans exemple dans la république, on en soit venu à diffamer, à étouffer, par les armes, le droit d’opposition tribunitienne, rétabli les années précédentes. (3) Sylla, quoiqu’il eût dépouillé le tribunal de tout crédit, lui avait du moins laissé la liberté d’opposition : (4) Pompée, qui passe pour lui avoir rendu ses anciens droits, lui a même ôté ceux qu’il possédait auparavant. (5) Il ajoute que, toutes les fois que l’on a décrété que les magistrats eussent à veiller au salut de la république (lequel sénatus-consulte appelle aux armes tout le peuple romain), ce décret n’a été rendu qu’à l’occasion de lois désastreuses, de quelque violence tribunitienne, d’une révolte du peuple, alors que les temples et les lieux fortifiés ont été envahis ; (6) que ces excès des siècles passés ont été expiés par la mort de Saturninus et des Gracques ; que, pour le présent, il n’a été rien fait, rien pensé de semblable ; aucune loi n’a été promulguée, aucune proposition soumise au peuple, aucune séparation consommée. (7) Il les exhorte à défendre contre ses ennemis l’honneur et la dignité du général sous lequel ils ont, pendant neuf ans, si glorieusement servi la république, gagné tant de batailles, soumis toute la Gaule et la Germanie. (8) À ce discours, les soldats de la treizième légion (César l’avait rappelée auprès de lui dès le commencement des troubles ; les autres n’étaient pas encore arrivées) s’écrient, d’une voix unanime, qu’ils sont prêts à venger les injures de leur général et des tribuns du peuple.

César passe le Rubicon. Négociations

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(1) Assuré des dispositions des soldats, César part avec cette légion pour Ariminium, et y rencontre les tribuns du peuple qui venaient se réfugier vers lui. Il tire ses autres légions de leurs quartiers d’hiver, et leur ordonne de le suivre. (2) Là, le jeune L. César, dont le père était un de ses lieutenants, vient le joindre. Ce jeune homme, après lui avoir rendu compte des motifs qui l’amènent, lui annonce "qu’il a été chargé par Pompée d’une mission particulière : (3) que Pompée désire justifier sa conduite aux yeux de César, afin que ce qu’il a fait pour le bien de la république ne lui soit pas imputé à crime ; qu’il a toujours préféré l’intérêt public à ses affections particulières ; que c’est aussi un devoir pour César de sacrifier ses passions et ses ressentiments au bien de l’état, de peur qu’en voulant, dans sa colère, frapper ses ennemis, il n’atteigne la république." (4) Lucius ajoute quelques mots de ce genre, tendant à la justification de Pompée. Le préteur Roscius s’exprime, sur le même sujet, à peu près dans les mêmes termes, et déclare parler au nom de Pompée.

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(1) Bien que cette démarche ne parût en rien pouvoir réparer les anciennes injures, néanmoins, croyant ces deux hommes propres à rapporter à