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cris travers les campagnes et d’un pays à l’autre. Ceux qui les entendent les transmettent aux plus proches comme on fit alors. En effet, la première veille n’était pas encore écoulée que les Arvernes savaient ce qui s’était passé à Cénabum au lever du soleil, c’est-à-dire à cent soixante milles environ de chez eux.

IV. Là, dans le même but, un jeune Arverne très puissant, Vercingétorix (3), fils de Celtillos, qui avait tenu le premier rang dans la Gaule, et que sa cité avait fait mourir parce qu’il visait à la royauté, assemble ses clients et les échauffe sans peine. Dès que l’on connaît son dessein, on court aux armes ; son oncle Gobannitio, et les autres chefs qui ne jugeaient pas à propos de courir une pareille chance, le chassent de la ville de Gergovie[1]. Cependant il ne renonce pas à son projet, et lève dans la campagne un corps de vagabonds et de misérables. Suivi de cette troupe, il amène à ses vues tous ceux de la cité qu’il rencontre ; il les exhorte à prendre les armes pour la liberté commune. Ayant ainsi réuni de grandes forces, il expulse à son tour du pays les adversaires qui, peu de temps auparavant, l’avaient chassé lui-même. On lui donne le titre de roi, et il envoie des députés réclamer partout l’exécution des promesses que l’on a faites. Bientôt il entraîne les Sénons, les Parisii, les Pictons, les Cadurques, les Turons, les Aulerques, les Lemovikes[2], les Andes, et tous les autres peuples qui bordent l’océan : tous s’accordent à lui déférer le commandement. Revêtu de ce pouvoir, il exige des otages de toutes les cités, donne ordre qu’on lui amène promptement un certain nombre de soldats, et règle ce que chaque cité doit fabriquer d’armes, et l’époque où elle les livrera. Surtout il s’occupe de la cavalerie ; à l’activité la plus grande il joint la plus grande sévérité ; il détermine les incertains par l’énormité des châtiments ; un délit grave est puni par le feu et par toute espèce de tortures ; pour les fautes légères il fait couper les oreilles ou crever un œil, et renvoie chez eux les coupables pour servir d’exemple et pour effrayer les autres par la rigueur du supplice.

V. Après avoir, par ces moyens violents, rassemblé bientôt une armée, il en envoie une partie chez les Rutènes, sous les ordres de Luctérios, du pays des Cadurques, et lui-même va chez les Bituriges. À son approche, ceux-ci députent vers les Héduens dont ils étaient les clients, et leur demandent des secours pour mieux résister aux forces de l’ennemi. Les Héduens, de l’avis des lieutenants que César avait laissés à l’armée, leur envoient de l’infanterie et de la cavalerie. Arrivées à la Loire qui sépare les Bituriges des Héduens, ces troupes s’y arrêtèrent quelques jours et revinrent sans avoir osé la passer. Les chefs dirent à nos lieutenants qu’ils étaient revenus sur leurs pas, craignant une perfidie de la part des Bituriges dont ils avaient appris que le dessein était, s’ils passaient le fleuve, de tomber sur eux d’un côté, tandis que les Arvernes les attaqueraient de l’autre. Est-ce

  1. Cette ville était située à une lieue de l’emplacement actuel de Clermont, sur une colline qui porte encore le nom de mont Georgoie ou Gergoriat.
  2. Peuple du Limousin.