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passage sur ses terres ; en le faisant, il croit tout à la fois servir son pays, que notre départ soulagera, et reconnaître les bienfaits de César. » Après ce discours, Ambiorix se retira.

XXVIII. Arpinéius et Junius rapportent ces paroles aux deux lieutenants. Tout à coup troublés par cette révélation, ils ne crurent pas, quoique l’avis leur vînt d’un ennemi, devoir le négliger. Ce qui les frappa le plus, c’est qu’il était à peine croyable que la nation faible et obscure des Éburons eût osé d’elle-même faire la guerre au peuple romain. Ils soumettent donc l’affaire à un conseil ; elle y excita de vifs débats. L. Aurunculéius, ainsi que plusieurs tribuns militaires et centurions des premiers rangs, furent d’avis « de ne rien faire imprudemment, et de ne point quitter les quartiers sans l’ordre de César. Ils observèrent que, quelque nombreuses que fussent les troupes des Germains, ils pouvaient leur résister dans leurs quartiers retranchés ; le combat de la veille le prouvait assez, puisqu’ils avaient vigoureusement. soutenu le choc des Barbares et leur avaient blessé beaucoup d’hommes. On ne manquait pas de vivres ; pendant la défense, il viendrait du secours et des quartiers les plus proches et de César : enfin était-il rien de plus imprudent ou de plus honteux que de prendre, pour les plus grands intérêts, conseil de l’ennemi ? »

XXIX. Titurius s’éleva contre cette opinion et répondit avec force « qu’il serait trop tard pour agir, lorsque les troupes ennemies se seraient accrues de l’adjonction des Germains, ou que les quartiers voisins auraient reçu quelque échec : il ne reste qu’un moment, qu’une occasion pour sauver l’armée : César est vraisemblablement parti pour l’Italie : autrement les Carnutes n’auraient pas osé tuer Tasgétios, ni les Éburons, s’il était dans la Gaule, attaquer notre camp avec tant de mépris. Il considère l’avis en lui-même et non l’ennemi qui le donne ; le Rhin est proche, les Germains ont un vif ressentiment de la mort d’Arioviste et de nos précédentes victoires : la Gaule est en feu : elle supporte impatiemment tous les outrages qu’elle a subis sous la domination du peuple romain, et la perte de son ancienne gloire militaire. Enfin, qui pourrait se persuader qu’Ambiorix en vienne, sans être bien instruit, à donner un tel avis ? Son opinion est, de toute manière, la plus sûre : s’il n’y a rien à craindre, ils joindront sans danger la plus proche légion ; si toute la Gaule s’est unie aux Germains, il n’y a de salut que dans la célérité. Quel serait le résultat de l’avis de Cotta, et des autres opposants ? En le suivant, si le péril n’est pas instantané, on a certainement, après un long siège, la famine à redouter ».

XXX. Après cette dispute de part et d’autre, comme Cotta et les principaux centurions soutenaient vivement leur avis : « Eh bien ! qu’il soit fait comme vous le voulez, » dit Sabinus ; et élevant la voix, pour être entendu d’une grande partie des soldats. « Je ne suis pas, reprit-il, celui de vous que le danger de la mort effraie le plus ; s’il arrive quelque malheur, on saura vous en demander compte ; tandis que, si vous le vouliez, réunis dans deux jours aux quartiers voisins,