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du camp, il s’éleva tout à coup une si violente tempête, qu’aucun d’eux ne put suivre sa route, et qu’ils furent, les uns rejetés dans le port d’où ils étaient partis, les autres poussés vers la partie inférieure de l’île, qui est à l’occident, où ils coururent de grands dangers. Ils y jetèrent l’ancre, mais inondés par les vagues, ils furent forcés, au milieu d’une nuit orageuse, de reprendre la haute mer, et de regagner le continent.

XXIX. Il se trouva que cette nuit-là même la lune était en son plein, époque ordinaire des plus hautes marées de l’Océan. Nos soldats l’ignoraient. L’eau eut donc bientôt rempli les galères dont César s’était servi pour le transport de l’armée et qu’il avait mises à sec. Les vaisseaux de charge, restés à l’ancre dans la rade, étaient battus par les flots, sans qu’il y eût aucun moyen de les gouverner ni de les secourir. Plusieurs furent brisés ; les autres, dépouillés de leurs cordages, de leurs ancres et du reste de leurs agrès, se trouvaient hors d’état de servir, ce qui, chose inévitable, répandit la consternation dans toute l’armée. On n’avait pas en effet d’autres vaisseaux pour la reporter sur le continent, et tout manquait de ce qui est nécessaire pour la réparation. Enfin, comme on s’attendait généralement à hiverner dans la Gaule, aucune provision de blé n’avait été faite pour passer l’hiver dans ce pays.

XXX. À la nouvelle de cette détresse, les chefs de la Bretagne qui, après la bataille, s’étaient réunis pour l’exécution des ordres de César, tinrent conseil entre eux. Voyant les Romains dépourvus de cavalerie, de vaisseaux et de vivres, et jugeant du petit nombre de nos soldats par l’exiguïté de notre camp, d’autant plus resserré que César avait fait embarquer les légions sans bagages, ils crurent l’occasion très favorable pour se révolter, nous couper les vivres et prolonger la campagne jusqu’à l’hiver. Ils tenaient pour assuré qu’en triomphant de notre armée ou en lui fermant le retour, nul ne traverserait désormais la mer pour porter la guerre en Bretagne

XXXI. Une ligue est donc formée de nouveau ils commencent à s’échapper peu à peu de notre camp et à faire revenir en secret les hommes qu’ils avaient licenciés. César, il est vrai, ne connaissait pas encore leurs desseins ; mais d’après le désastre de sa flotte et le retard des Bretons à livrer les otages, il soupçonnait cependant ce qui arriva. Aussi se tenait-il prêt à tout événement ; car il portait chaque jour des vivres dans le camp, employait le bois et le cuivre des navires les plus avariés à la réparation des autres, et faisait venir du continent ce qui était nécessaire pour ce travail. C’est ainsi que, secondé par le zèle extrême des soldats, il mit, à l’exception de douze vaisseaux perdus, toute la flotte en état de naviguer.

XXXII. Pendant qu’on faisait ces travaux, une légion, la septième, avait été, selon la coutume, envoyée au fourrage ; et, jusqu’à ce jour, il y avait d’autant moins lieu de soupçonner des hostilités