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les points du territoire des Morins, dont il n’avait pas encore reçu de députés. Il préposa à la garde du port son lieutenant P. Sulpicius Rufus, avec la garnison qui fut jugée nécessaire.

XXIII. Ces dispositions faites, César, profitant d’un vent favorable à sa navigation, leva l’ancre vers la troisième veille, et ordonna à sa cavalerie d’aller s’embarquer au port voisin et de le suivre. Celle-ci fit peu de diligence, et il n’avait que ses premiers vaisseaux lorsqu’il toucha à la Bretagne, environ à la quatrième heure du jour. Là il vit les troupes ennemies occupant, sous les armes, toutes les collines. Telle était la nature des lieux la mer était si resserrée par des montagnes que le trait lancé de ces hauteurs pouvait atteindre le rivage. Jugeant l’endroit tout à fait défavorable pour un débarquement, il resta à l’ancre jusqu’à la neuvième heure, et attendit l’arrivée du reste de la flotte. Cependant il assemble ses lieutenants et les tribuns des soldats, leur fait part des renseignements de Volusénus et de ses desseins ; il les avertit d’agir d’eux-mêmes en tout, selon l’opportunité et le temps, comme le demande la guerre, surtout une guerre maritime, où un seul instant peut aussitôt changer l’état des choses. Quand il les eut renvoyés et que le vent et la marée furent devenus en même temps favorables, il donna lé signal, fit lever l’ancre et s’arrêta à sept milles de là environ, devant une plage ouverte et unie[1].

XXIV. Mais les Barbares, s’apercevant du dessein des Romains, envoyèrent en avant leur cavalerie et les chariots de guerre dont ils ont coutume de se servir dans les combats, les suivirent avec le reste de leurs troupes, et s’opposèrent à notre débarquement. Plusieurs circonstances le rendaient extrêmement difficile : la grandeur de nos vaisseaux forcés de s’arrêter en pleine mer, l’ignorance où étaient nos soldats de la nature des lieux ; les mains embarrassées, accablés du poids énorme de leurs armes, ils devaient à la fois s’élancer du navire, résister à l’effort des vagues et lutter avec l’ennemi ; tandis que celui-ci combattant à pied sec, ou s’avançant très peu dans la mer, libre de tous ses membres, connaissant parfaitement les lieux, lançait ses traits avec assurance et poussait ses chevaux faits à cette manœuvre. Frappés d’un tel concours de circonstances, et tout à fait inexpérimentés dans ce genre de combat, nos soldats ne s’y portaient pas avec cette ardeur et avec ce zèle qui leur étaient ordinaires dans les combats de pied ferme.

XXV. Dès que César s’en aperçut, il ordonna d’éloigner un peu des vaisseaux de charge, les galères dont la forme était moins connue des Barbares et la manœuvre plus facile et plus prompte, de les diriger à force de rames, de les tenir devant le flanc découvert de l’ennemi, et de là, à l’aide des frondes, des traits et des machines, de le repousser et de le chasser de sa position. Ce mouvement nous fut d’une grande utilité. Car étonnés de la forme de nos navires, de leur manœuvre et du genre inconnu de nos machines, les Barbares s’arrêtèrent et firent même quelques pas en arrière. Nos soldats hésitaient encore, surtout à cause de la profondeur de la

  1. A la pointe orientale du territoire qui aujourd’hui porte le nom de Kent (V. Hume, ch. I.)