Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/245

Cette page n’a pas encore été corrigée

terres, exprimèrent le désir de rester près de lui. César leur en accorda la permission.

XVI. Après avoir terminé la guerre contre les Germains, César se détermina, par beaucoup de motifs, à passer le Rhin. Il voulait principalement, voyant les Germains toujours prêts à venir dans la Gaule, leur inspirer des craintes pour leur propre pays, en leur montrant qu’une armée romaine pouvait et osait traverser le Rhin. De plus, cette partie de la cavalerie des Usipètes et des Tencthères que j’ai dit plus haut avoir passé la Meuse pour piller et fourrager, et qui n’avait point assisté au combat, s’était, après la défaite des Germains, retirée au-delà du Rhin, chez les Sugambres[1], et s’était jointe à eux. César envoya vers ce peuple et fit demander qu’il lui livrât ceux qui avaient porté les armes contre lui et contre les Gaulois. Ils répondirent : « que la domination du peuple romain finissait au Rhin : s’il ne trouvait pas juste que les Germains passassent en Gaule malgré lui, pourquoi prétendait-il exercer quelque domination et quelque pouvoir au-delà du Rhin ? Les Ubiens, qui, seuls des peuples d’outre-Rhin, avaient député vers César, contracté une alliance, livré des otages, le priaient instamment de les secourir contre les Suèves qui les pressaient vivement ; ou, si les affaires de la république l’empêchaient de le faire, de transporter seulement l’armée au-delà du Rhin; ce serait un secours suffisant et une sécurité pour l’avenir : la défaite d’Arioviste et ce dernier combat avaient tellement établi la réputation de l’armée romaine chez les nations germaines même les plus reculées, que l’autorité et l’amitié du peuple romain devaient les mettre en sûreté. Ils promettaient une grande quantité de navires pour le transport de l’armée.

XVII. César, déterminé par les motifs dont j’ai parlé, avait résolu de passer le Rhin ; mais le traverser sur des bateaux ne lui semblait ni assez sûr ni assez convenable à sa dignité et à celle du peuple romain. Aussi, malgré l’extrême difficulté qu’offrait la construction d’un pont, à cause de la largeur, de la rapidité et de la profondeur du fleuve, il crut cependant devoir le tenter; autrement il fallait renoncer à faire passer l’armée. Voici donc sur quel plan il fit construire le pont:on joignait ensemble, à deux pieds d’intervalle, deux poutres d’un pied et demi d’équarrissage, un peu aiguisées par le bas, d’une hauteur proportionnée à celle du fleuve. Introduites dans l’eau à l’aide des machines, elles y étaient fichées et enfoncées à coups de masse, non dans une direction verticale, mais en suivant une ligne oblique et inclinée selon le fil de l’eau. En face et en descendant, à la distance de quarante pieds, on en plaçait deux autres, assemblées de la même manière, et tournées contre la violence et l’effort du courant. Sur ces quatre poutres on en posait une de deux pieds d’équarrissage, qui s’enclavait dans leur intervalle, et était fixée à chaque bout par deux chevilles. Ces quatre pilotis, réunis par une traverse; offraient un ouvrage si solide, que plus la rapidité du courant était grande, plus elle consolidait cette

  1. Peuple de Germanie, d’où descendaient les Francs.