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César, pour prévenir une guerre plus sérieuse, rejoignit l’armée plus tôt que de coutume. En y arrivant, il apprit ce qu’il avait soupçonné : que plusieurs peuples de la Gaule avaient envoyé des députations aux Germains, et les avaient invités à quitter les rives du Rhin, les assurant qu’on tiendrait prêt tout ce qu’ils demanderaient. Séduits par cet espoir, les Germains commençaient déjà à s’étendre et étaient parvenus au territoire des Éburons[1] et des Condruses[2], qui sont dans la clientèle des Trévires. César, ayant fait venir les principaux de la Gaule, crut devoir dissimuler ce qu’il connaissait ; il les flatta, les encouragea, leur prescrivit des levées de cavalerie, et résolut de marcher contre les Germains.

VII. Après avoir pourvu aux vivres, et fait un choix de cavalerie, il se dirigea où l’on disait qu’étaient les Germains. Il n’en était plus qu’à peu de journées, lorsque des députés vinrent le trouver de leur part ; leur discours fut celui-ci : « Les Germains ne feront point les premiers la guerre au peuple romain ; ils ne refuseront cependant pas de combattre si on les attaque ; car, c’est une coutume que leur ont transmise leurs ancêtres, de résister à quiconque les provoque, et non de recourir à des prières. Au reste, ils déclarent qu’ils sont venus contre leur gré, et parce qu’on les a chassés de leur pays ; si les Romains veulent acquérir leur amitié, elle pourra leur être utile ; qu’on leur assigne des terres ou qu’on leur laisse la possession de celles qu’ils ont conquises par les armes. Ils ne le cèdent qu’aux Suèves auxquels les dieux même ne sauraient se comparer ; sauf ceux-ci, il n’est, sur la terre, aucun autre peuple dont ils ne puissent triompher. »

VIII. César répondit à ce discours ce qu’il jugea convenable, mais sa conclusion fut : « Qu’ils ne pouvaient prétendre à son amitié s’ils restaient dans la Gaule ; qu’il n’était pas juste que ceux qui n’avaient pas su défendre leur territoire occupassent celui d’autrui ; qu’il n’y avait point dans la Gaule de terrain vacant que l’on pût donner sans injustice, surtout à une si grande multitude. Il leur est loisible, s’ils le veulent, de se fixer chez les Ubiens, dont les députés sont venus près de lui se plaindre des outrages des Suèves et réclamer son secours ; il obtiendra des Ubiens cette permission. »

IX. Les députés dirent qu’ils reporteraient cette réponse à leur nation, et qu’après en avoir délibéré ils reviendraient dans trois jours auprès de César. Cependant ils le priaient de ne pas avancer davantage. César déclara ne pouvoir leur accorder cette demande : car il savait que plusieurs jours auparavant ils avaient envoyé une grande partie de leur cavalerie au-delà de la Meuse, chez les Ambivarites[3], pour piller et s’approvisionner de vivres. Il était persuadé que l’attente de ces cavaliers était le motif du délai demandé.

X. La Meuse sort des montagnes des Vosges, sur les frontières des Lingons. Après avoir reçu un bras du Rhin que l’on nomme le Wahal ; elle forme l’île des Bataves[4] et, à quatre-vingt milles

  1. Peuple de Liège.
  2. Du Condrotz.
  3. Tribu inconnue, et à laquelle cependant quelques auteurs ont assigné pour demeure le territoire d’Anvers.
  4. Bal pat, profond ; av, eau.