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après avoir perdu ses bagages, il crut qu’il ne pouvait déployer trop d’activité. Ayant donc pourvu aux vivres, rassemblé des auxiliaires et de la cavalerie, et fait venir en outre de Toulouse, de Carcasonne et de Narbonne, pays dépendants de la province romaine et voisins de l’Aquitaine, bon nombre d’hommes intrépides qu’il désigna, il mena son armée sur les terres des Sotiates[1]. À la nouvelle de son arrivée, les Sotiates rassemblèrent des troupes considérables et de la cavalerie, qui faisait leur principale force, attaquèrent notre armée dans sa marche, et engagèrent avec elle un combat de cavalerie, dans lequel ayant été repoussés et poursuivis par la nôtre, ils firent tout à coup paraître leur infanterie, placée en embuscade dans un vallon. Ils assaillirent nos soldats épars et recommencèrent le combat.

XXI. Il fut long et opiniâtre : Les Sotiates, fiers de leurs anciennes victoires, regardaient le salut de toute l’Aquitanie comme attaché à leur valeur ; nos soldats voulaient montrer ce qu’ils pouvaient faire, en l’absence du général, sans l’aide des autres légions, sous la conduite d’un jeune chef. Couverts de blessures, les ennemis enfin tournèrent le dos ; on en tua un grand nombre, et Crassus, sans s’arrêter, mit le siège devant la capitale des Sotiates. Leur résistance courageuse l’obligea d’employer les mantelets et les tours. Tantôt ils faisaient des sorties, tantôt ils pratiquaient des mines jusque sous nos tranchées (sorte d’ouvrage où ils sont très habiles, leur pays étant plein de mines d’airain qu’ils exploitent) ; mais voyant tous leurs efforts échouer devant l’activité de nos soldats, ils députèrent à Crassus, pour lui demander de recevoir leur capitulation. Crassus y consentit, à la condition qu’ils livreraient leurs armes, ce qu’ils firent.

XXII. Tandis que tous les nôtres s’occupaient de l’exécution de ce traité, d’un autre côté de la ville se présenta le général en chef Adcantuan, avec six cents hommes dévoués, de ceux que ces peuples appellent Soldures (5). Telle est la condition de ces hommes, qu’ils jouissent de tous les biens de la vie avec ceux auxquels ils se sont consacrés par un pacte d’amitié ; si leur chef périt de mort violente, ils partagent son sort et se tuent de leur propre main ; et il n’est pas encore arrivé, de mémoire d’homme, qu’un de ceux qui s’étaient dévoués à un chef par un pacte semblable, ait refusé, celui-ci mort, de mourir aussitôt. C’est avec cette escorte qu’Adcantuan tenta une sortie : les cris qui s’élevèrent sur cette partie du rempart firent courir aux armes ; et à la suite d’un combat sanglant, Adcantuan, repoussé dans la ville, obtint cependant de Crassus d’être compris dans la capitulation générale.

XXIII. Après avoir reçu les armes et les otages, Crassus marcha sur les terres des Vocates[2] et des Tarusates[3]. Les Barbares, vivement effrayés en apprenant qu’une place également défendue par la nature et par la main de l’homme était, peu de jours après l’arrivée de Crassus, tombée en son pouvoir, s’envoient de toutes parts des dé-

  1. Peuple du pays de Soz ; suivant Dauville.
  2. Les habitants du Bazadois.
  3. Les habitants de Tursan, dont la capitale était Aturves Aares en Gascogne.