Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/221

Cette page n’a pas encore été corrigée

passer une partie de leurs troupes, dans le dessein, soit de prendre, s’ils le pouvaient, le fort commandé par le lieutenant Q. Titurius et de rompre le pont, soit, s’ils n’y réussissaient pas, de ravager le territoire des Rèmes, qui nous étaient d’une grande ressource dans cette guerre, et d’intercepter nos convois.

X César, averti par Titurius, passa le pont avec toute sa cavalerie, ses Numides armés à la légère, ses frondeurs, ses archers, et marcha à l’ennemi. Alors s’engagea un combat opiniâtre. Les nôtres ayant attaqué les Belges dans les embarras du passage, en tuèrent un grand nombre. Les autres, pleins d’audace, s’efforçaient de passer sur le corps de leurs compagnons ; une grêle de traits les repoussa. Ceux qui avaient les premiers traversé l’Aisne furent enveloppés et taillés en pièces par la cavalerie. Les ennemis, se voyant déchus de l’espoir d’emporter le fort et de traverser la rivière, ne pouvant nous attirer pour combattre sur un terrain désavantageux, et les vivres commençant à leur manquer, tinrent conseil et arrêtèrent que ce qu’il y avait de mieux était de retourner chacun dans son pays, et de se tenir prêts à marcher tous à la défense du premier que l’armée romaine envahirait, ils combattraient avec plus d’avantage sur leur propre territoire que sur des terres étrangères, et les vivres chez eux leur seraient assurés. Celui de leurs motifs qui eut le plus de poids pour cette détermination, ce fut la nouvelle que Diviciacos et les Héduens approchaient des frontières des Bellovaques. On ne put persuader à ces derniers de rester plus longtemps, ni les empêcher d’aller défendre leurs biens.

XI. Le départ étant résolu, dès la seconde veille, ils sortirent de leur camp à grand bruit, en tumulte, sans ordre fixe, sans être commandés par personne, prenant chacun le premier chemin qui s’offrait, et se hâtant de gagner leur pays, ce qui faisait ressembler ce départ à une fuite. César aussitôt averti par ses vedettes, mais craignant une embuscade, dans l’ignorance où il était encore de la cause de cette retraite, retint son armée dans le camp même de sa cavalerie. Au point du jour, ce départ lui ayant été confirmé par ses éclaireurs, il détacha toute sa cavalerie, pour arrêter l’arrière-garde. Il en confia le commandement à Q. Pédius et à Aurunculéius Cotta, ses lieutenants. T. Labiénus, un autre de ses lieutenants, eut ordre de les suivre avec trois légions. Ils atteignirent l’arrière-garde ennemie, la poursuivirent pendant plusieurs milles, et on avait tué un grand nombre de ces fuyards, lorsque les derniers rangs, auxquels nous étions arrivés, firent halte et soutinrent notre choc avec beaucoup de vigueur ; mais ceux qui étaient en avant, se voyant éloignés du péril, et n’étant retenus ni par la nécessité de se défendre, ni par les ordres d’aucun chef, eurent à peine entendu les cris des combattants, qu’ils rompirent leurs rangs, et cherchèrent tous leur salut dans la fuite. Ainsi, sans courir aucun danger, les nôtres tuèrent à l’ennemi autant d’hommes que le permit la durée du jour : au coucher du soleil, ils cessèrent la poursuite et rentrèrent au camp, comme il leur avait été ordonné.