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élevé. Pour lui, il va en Italie à grandes journées, y lève deux légions, en tire trois de leurs quartiers d’hiver, aux environs d’Aquilée, et prend par les Alpes le plus court chemin de la Gaule ultérieure, à la tête de ces cinq légions. Là, les Centrons, les Graïocèles et les Caturiges[1], qui s’étaient emparés des hauteurs, veulent arrêter la marche de son armée. Il les repousse dans plusieurs combats, et se rend, en sept journées, d’Océle[2], dernière place de la province citérieure[3], au territoire des Voconces[4], dans la province ultérieure[5] ; de là il conduit ses troupes dans le pays des Allobroges, puis chez les Ségusiens[6]. C’est le premier peuple hors de la province, au-delà du Rhône.

XI. Déjà les Helvètes avaient franchi les défilés et le pays des Séquanes ; et, arrivés dans celui des Édues, ils en ravageaient les terres. Ceux-ci, trop faibles pour défendre contre eux leurs personnes et leurs biens, députent vers César, pour lui demander du secours : « Dans toutes les circonstances, ils avaient trop bien mérité du peuple romain pour qu’on laissât, presque à la vue de notre armée, dévaster leurs champs, emmener leurs enfants en servitude, prendre leurs villes. » Dans le même temps, les Ambarres[7], amis et alliés des Édues, informent également César que leur territoire est ravagé et qu’ils peuvent à peine garantir leurs villes de la fureur de leurs ennemis. Enfin les Allobroges, qui avaient des bourgs et des terres au-delà du Rhône, viennent se réfugier auprès de lui, et lui déclarent qu’il ne leur reste rien que le sol de leurs champs. César, déterminé par ce concours de plaintes, crut ne devoir pas attendre que tous les pays des alliés fussent ruinés, et les Helvètes arrivés jusque dans celui des Santons.

XII. La Saône est une rivière dont le cours, entre les terres des Héduens et celles des Séquanes et jusqu’au Rhône, est si paisible que l’œil ne peut en distinguer la direction. Les Helvètes la passaient sur des radeaux et des barques jointes ensemble. César, averti par ses éclaireurs que les trois quarts de l’armée helvète avaient déjà traversé la Saône, et que le reste était sur l’autre rive, part de son camp, à la troisième veille, avec trois légions, et atteint ceux qui n’avaient pas encore effectué leur passage. Il les surprend en désordre, les attaque à l’improviste et en tue un grand nombre. Les autres prennent la fuite, et vont se cacher dans les forêts voisines. Ils appartenaient au canton Tigurin[8] ; car tout le territoire de l’Helvétie est divisé en quatre cantons. C’étaient ceux de ce canton qui, dans une excursion du temps de nos pères, avaient tué le consul L. Cassius et fait passer son armée sous le joug. Ainsi, soit effet du hasard, soit par la volonté des dieux immortels, cette partie des citoyens de l’Helvétie, qui avait fait éprouver une si grande perte au peuple romain, fut la première à en porter la peine. César trouva aussi dans cette vengeance publique l’occasion d’une vengeance personnelle ; car l’aïeul de son beau--

  1. Peuples de la Tarentaise, du Mont-Cénis, d’Enbrun.
  2. Exilés, petite ville du Piémont.
  3. La Gaule Cisalpine ou le Piémont.
  4. Partie du Dauphiné, du Venaissin et de la Provence.
  5. Ou la Gaule Transalpine.
  6. Peuple du Forez.
  7. Peuple de la Bresse.
  8. Peuple de Zurich.