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Mais la plus-part de ces gens infames s’eſcoula quand elle vid qu’on ne donnoit point d’abolition à ſes dettes, & que vous[1] ne traictez point vos Citoyens en qualitè d’ennemis. Il eſt vray qu’il s’en eſt treuué quelques-vns qui ont tenu ferme en voſtre camp, eſperans d’y treuuer plus de repos que dans Rome, pour les grandes debtes dont ils eſtoient chargez. Mais l’on ne ſçauroit dire, combien grand a eſté le nombre de pluſieurs excellens perſonnages, qui pour de meſmes cauſes ſe ſont retirez vers Pompee. De ſorte que durant tout le temps de la guerre les Citoyens endettez ont vſé de luy, comme d’vn Temple inuiolable, & ſacré.

Puis donc que c’eſt à vous à diſpoſer de la guerre & de la paix, comme vaincueur que vous eſtes ; à ſçauoir de la guerre pour vous en desfaire honneſtement ; & de la paix, affin de la rendre tres-juſte, & de longue duree ; aduiſez premierement de faire ce qui vous ſemblera le meilleur, puis qu’autre que vous n’y peut donner ordre.

Certes, c’eſt mon opinion que tous Gouuernemens tyranniques, ſont plus faſcheux que durables. Car nul ne ſe faict craindre à pluſieurs, qu’il ne redoute luy-meſme ceux qui le craignét. Or viure de la ſorte, n’eſt autre choſe que mener vne guerre eternelle, & touſiours douteuſe : Soit qu’on ſe treuue deuant, ou derrière, ou à coſté, l’on n’eſt iamais en aſſeurance, & ainſi le danger & la peur ſont inſeparables d’vne telle vie. Au contraire, l’on a veu toutes choſes arriuer à ſouhait & heureuſemët à ceux qui ont eſté debonnaires & clemens à gouuerner leur Empire, Les ennemis meſme leur ont plus promptement obey que ne font les Citoyens à leurs ſemblables.

Cela eſtant, ſe pourra-t’il bien faire qu’il ſe treuue encore des perſonnes, qui me reprochent, que par ces parolles i’apporte du deſordre à voſtre victoire ? Me diront-ils que l’ay la volonté trop benne pour les vaincus, parce qu’il me ſemble qu’on ne doit point refuſer à vos Citoyens ce que nous-meſme apres nos Deuanciers auons octroyé ſouuent aux nations eſträgeres qui nous ſont naturellement ennemies ? Me blaſmeront-ils ſi ie dis que par vne couſtume barbare il ne faut iamais expier l’homicide par l’homicide, ny le ſang par le ſang ? L’oubliance a-t’elle aboly les choſes qu’on reprochoit à Pompee, vn peu aust ceſte guerre, &[2] à Sylla victorieux ?

Le meſme Pompee a mis à mort Domitius, Carbo, Brutus,

  1. n’uſiez point de vos Citoyens esmmè
  2. (ou) & anãs la victoire de Sylla.