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la vie de c. salvste, tiree
de qvelqves avthevrs latins.

C. Criſpe Saluſte naſquit dans Amiterne, au territoire Sabin, en l’annee que la ville des Atheniens fut deſtruite par L. Sylla, comme l’on peut voir par les teſmoignages des Annales Romaines. Il tiroit ſon extraction de la noble famille des Saluſtes, qui ſe maintint fort long temps dans le ſecond Ordre. C’eſt la commune opinion qu’il fut eſleué à Rome, & inſtuict dés ſon enfance aux plus belles ſciences. Il eſt vray qu’eſttant né en vn ſiecle auquel les principaux de Rome s’adonnans à ſuivre diuers partys, faiſoient peu d’eſtime des bons eſprits, ſon naturel ſe laiſſa deſbaucher aux voluptez. De maniere que ſe voulant pouſſer au maniement des affaires, il eſpreuua beaucoup de trauerſes, tant pour les factions contraires des Citoyens, que pour la haine qu’ils portoient naturellement à ceux, dont les eſprits encores tendres promettoient des fleurs & des fruicts à la poſterité. Il eut pour principal Maiſtre Attejus Pretextatus, ſurnommé le Philologue, duquel il apprit l’art de bien eſcrire, ainſi qu’il eſt rapporté par Suetone. Son affection eſttoit ſi grande à l’endroit de M. Caton, qu’il prit la peine de faire vn extraict des principaux mots qui ſont dans ſes Commentaires, pour s’en ſervir comme de lieux communs, ſelon le teſmoignag d’Auguſte en l’Epiſtre qu’il eſcrit à M. Anthoine. Il a compoſé l’Hiſtoire de la Conjuration de L. Catilina, contre le Senat Romain ; enſemble la guerre de Iugurtha ; & l’Hiſtoire des faicts des Romains, comme de Marius, de Sylla, & de Pompee, contre le Roy Mithridates. Il eſt ayſe de iuger de la perfection d’vn ſi diuin ouurage par les Fragments que nous en auons. Entre les anciens Autheurs, Auienus Rufus a grandement loüé la peine que Saluſte prenoit à eſcrire. Quintilien priſe tellement ſes eſcrits, qu’il en faict vn parallele auec ceux de Thucidide, Prince des Hiſtoriens Grecs. Et bien qu’Aulus Gellius ait eſté de tout temps eſtimé l’Ariſtarque de la doctrine des Anciens, neantmoins parlant de Saluſte, il dit, Que la netteté de ſon langage le fit enuier de tous ceux de ſon temps. Et certes Tite-Liue luy a eſté ſi ennemy, comme le reſmoigne Seneque, qu’il luy a reproché d’auoir corrompu quelques traicts de l’Hiſtoire de Thucidide, dont il s’eſtoit ſeruy fort à propos. Mais ſi le merite de ſon eſprit luy acqueroit des enuieux & des ennemis, il ne laiſſoit pas d’eſtre aymé de pluſieurs grands perſonnages, à sçauoir de Cornelius Nepos, de Meſſala, de Nigidus Figulus, & de Iules Ceſar, qui l’honnora de la Lieutenance de la baſſe Afrique. Les inimitiez entre luy & Ciceron eſtoient ſi grandes, qu’ils auoient touſiours querelle enſemble, & ne ceſſoient de ſe reprocher l’vn à l’autre leurs vices tant de bouche que par eſcrit. Et de vray pour ne rien deſguiſer de la vie de Saluſte, il faut aduoüer auec ceux de ſon temps que pour expier la faute de ſes deſbauches, il fut contraint de vendre la maiſon de ſon pere, lors du viuant d’iceluy. La Questure & le Tribunat